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de variété. Elle le faisait par attachement pour le vieillard, car elle avait un bon petit cœur plein de tendresse et de gratitude : mais en même temps cette correspondance, se poursuivant de pair avec son journal intime, constituait pour elle une incomparable école de littérature, dont son premier roman nous fait assez voir tout l’heureux effet. Voilà ce qu’avait été son éducation, tandis que son père, ses frères, et les amis de la maison, la tenaient pour une gentille petite demoiselle, tout à fait insignifiante et même un peu sotte. La comédie humaine qu’elle s’était efforcée d’évoquer dans Evelina, chaque jour elle l’avait vue se dérouler sous ses yeux, avec une diversité merveilleuse d’acteurs de tout âge et de toute condition ; et, d’autre part, les sages avis de « l’oncle Crisp » n’avaient point cessé de stimuler, d’exercer, et de développer, le penchant qu’elle s’était toujours senti pour l’expression écrite de tout ce qui la frappait, en elle ou autour d’elle.


Une des conséquences principales des succès d’Evelina fut pour elle, naturellement, de modifier cette vie obscure et charmante, qu’elle avait menée sans interruption jusqu’à vingt-six ans. Devenue désormais l’auteur à la mode, elle se vit forcée de sortir de son coin, pour prendre une part active à la comédie qu’elle s’était jusqu’alors bornée à écouter. Le champ de son observation s’élargit de proche en proche ; et le fait est que la partie de son Journal qui s’étend de 1778 à 1791, ainsi que ses lettres de cette période, abondent en récits, scènes et portraits, d’un incomparable intérêt historique et littéraire. Il n’y a pas un personnage de quelque importance, depuis le roi et la reine jusqu’aux acteurs de Drury Lane et aux gazetiers du Morning Herald, qu’elle n’ait fréquenté et connu de près. Mais surtout elle s’est trouvée en rapports incessans avec les premiers écrivains de son pays, qui tous paraissent avoir subi l’attrait de sa gentille petite âme d’enfant. A l’enseignement et aux conseils de « l’oncle Crisp » elle put joindre, désormais, ceux d’hommes autrement capables de l’aider à poursuivre avec profit la carrière des lettres : Johnson et Sheridan, Garrick et Burke, les survivans de l’ancienne génération et les jeunes hérauts des idées nouvelles. N’étaient-ce point là d’excellentes conditions pour lui permettre de produire des romans supérieurs encore à Evelina, d’une humanité plus profonde et d’un art plus parfait, les beaux romans. qu’attendaient d’elle tous ses amis, et que vingt libraires s’offraient à lui acheter ?

Et cependant le roman qu’elle fit paraître en 1782, Cecilia, ou les