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Laissez-nous, à l’abri de vos temples sévères,
Méditant des vertus que le siècle proscrit
Et qui tirent l’honneur du destin de nos pères,
Une dernière fois les revivre en esprit ;

Revivre les saisons divines de l’enfance,
Quand une route en fleurs sans fin se déployait,
Quand la mort, qui vers nous rapidement s’avance,
Était si loin, si loin, qu’à peine on y croyait !

Quand ceux qui nous aimaient d’une tendresse unique,
Dessus et dessous terre aujourd’hui dispersés.
Nous préparaient l’accueil du foyer domestique.
Prenant leur part des maux dont nous étions blessés.

V


Beaux arbres flagellés vainement par la pluie,
Restés droits sous l’assaut furieux des hivers,
Si l’orage s’apaise, un rayon d’or essuie
La nappe ruisselante à vos feuillages verts.

Un exemple sacré plane dans vos ramures.
Ces échelons du rêve entre la terre et Dieu :
Nulle révolte au fond de vos puissans murmures.
Nul orgueil dans l’élan qui vous porte au ciel bleu !

Déchiré sourdement de regrets et de crainte.
Vers vous, ô calmes bois ! me voici revenu.
Et je m’attache à vous d’une suprême étreinte,
Dans l’effroi de partir pour un monde inconnu

Ne me refusez pas la halte sous l’ombrage ;
Pareils à l’oasis qu’on trouve à mi-chemin,
Aidez-moi, vieux amis ! à reprendre courage
De l’épreuve d’hier à celle de demain.