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Reviens vers ton enfance et ce qui t’a vu naître,
Vers ce qu’aimaient les cœurs dont ton cœur se forma...
Voici la grande salle, et le coin de fenêtre
Où, sous tes yeux ravis, le livre s’anima.

Et voici, tout auprès du manoir, l’humble temple
Où tu chantas d’abord les bienfaits de ton Dieu,
Quand, nourrie à la fois de précepte et d’exemple,
Tu croissais en sagesse aux marches du saint lieu.

II


Le toit qui fut en fête au jour de ton baptême
Et dans l’ombre duquel nous attend un tombeau,
Comment ne pas l’aimer d’être toujours le même,
Quand tout, autour de nous, se fait pire et nouveau ?

Quand le Glaive et la Croix, quand tout ce que notre âge
Honorait, chérissait d’un cœur reconnaissant,
S’enfonce dans la nuit de l’exil, sous l’outrage,
Parmi les cris de joie et le rire indécent ;

Quand l’homme a renié les sentimens sublimes
Pour la plus misérable entre les vanités,
La Science, qu’il suit au sang de ses victimes
Par des chemins sans but, d’acre odeur empestés ;

Quand la foule, rêvant une éternelle fête,
N’entend plus honorer ni martyr, ni héros ;
Quand sont venus les jours prédits par le poète,
le peuple voudra des combats de taureaux.

Ah ! retournons mourir où nous n’avons pu vivre !
Fuyons, d’un cœur blessé par delà le pardon,
La brutale cité que son orgueil enivre.
Que Dieu frappe déjà par un juste abandon.