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AU
SPITZBERG ET À LA BANQUISE

DERNIERE PARTIE[1]

13 août. — Il nous est donné enfin de contempler cette féerie du soleil de minuit après laquelle nous aspirons vainement depuis que nous naviguons dans le mystérieux domaine du jour éternel. Pour la première fois, le ciel est à peu près dégagé de brumes, et l’astre du jour, qui est aujourd’hui l’astre de la nuit, nous apparaît à l’heure solennelle où je l’avais contemplé dans la mer d’Islande, le 23 juin 1881. Mais là-bas, sous le cercle polaire, je ne le vis que raser les flots, tandis qu’ici, à 13 degrés plus au nord, dans la nuit du 13 au 14 août, nous le voyons planer à 5 degrés au-dessus de l’horizon. Il nous apparaît d’abord légèrement voilé par un nuage d’un jaune d’or ; mais au moment où l’aiguille de nos montres s’approche de minuit, il se dégage complètement, projetant sur la nappe houleuse de l’Océan une tremblante colonne de feu, et brillant d’un éclat assez vif pour que les yeux doivent en éviter l’éblouissement. Pendant que le vaisseau marche droit vers le pôle, nous avons le soleil en face, nous indiquant le Nord à minuit comme à midi il nous indiquait le Sud. Minuit ! l’heure de l’obscurité sous nos latitudes, tandis qu’ici, dans le voisinage du 80e degré, c’est l’heure des flamboiemens de lumière, des éclatantes colorations, c’est l’heure où les nuages se nimbent d’or et de pourpre, où le ciel prend des

  1. Voyez la Revue du 1er décembre.