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A. B. C. D... les lettres successives nous égrènent. Je passe à mon tour dans une première petite salle où, d’abord, un professeur me pose quelques questions sur le nom et l’usage de six instrumens chirurgicaux. Puis, gravement, il me surveille tandis que je procède au montage d’un « aspirateur » système Potain. Bien, note maximum : 10. Ce facile succès remporté, je me trouve dans un couloir où, derrière une autre table, chargée de fioles nombreuses, siège un autre professeur. Un à un, je nomme les remèdes, leurs emplois et leurs doses, notions acquises au cours de petite médecine. Même note, aussi aisément enlevée. On nous avait tant effrayées d’avance, relativement à la sévérité des examinateurs...

Me voici enfin dans la chapelle, où se tient le reste du jury, présidé par M. Bourneville en personne. Mais, d’abord, il faut passer là un examen d’un autre genre. Près d’une table, à l’entrée, se tient un surveillant de l’hôpital. Il m’arrête : « Votre nom ? âge ? lieu de naissance ? » Je réponds. « Votre profession ? — Je n’en ai pas. — Pourquoi passez-vous cet examen ? — Parce que je m’occupe de malades. — Alors, pourquoi dites-vous que vous êtes sans profession ? — Parce que je ne suis pas rétribuée. — Pas rétribuée ! (Les sourcils se haussent.) Alors, pourquoi le faites-vous ? » Silence. Je réprime une envie de rire. Et l’excellent plumitif de reprendre : ce Ah ! c’est pour pouvoir être rétribuée ensuite ? » J’ai retrouvé la parole : « Non, je n’en ai pas l’intention. — Jamais rétribuée !... Alors, pourquoi ? » Il faut une réponse. L’administration n’a pas prévu les blancs dans le registre... Et je hasarde : « Je passe l’examen, parce que je désire continuer à m’occuper de malades. » Alors le fonctionnaire, génial et triomphant : « Eh bien ! je vais mettre : Désire continuer... » Et il inscrit, avec sérénité, cette lumineuse mention. Au-dessus de ma réponse, dans le registre, mes compagnes ont dicté la leur. « Sollicite une place de l’Assistance publique, » « veut faire des gardes en ville, » « masseuse, » sont les mentions ordinaires.

En quittant la table d’inscription, je me trouve devant la sage-femme en chef, dont le rôle consiste à juger de notre habileté à emmailloter un enfant. On nous remet langes et brassières et, sur un bébé de carton, qui nous est familier déjà, nous exerçons nos instincts maternels. Là encore, rien de bien sévère. Puis j’arrive devant le chef qui, lui-même, du haut de