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à l’aborder. On s’aperçoit que la préoccupation de ne rien omettre des détails qu’il croit nécessaires va nuire grandement à tout l’ensemble. Je comprends pourquoi ce cours occupe trente leçons et davantage, alors que d’autres, non moins importans, sont terminés en huit séances par des orateurs plus concis.

Neuf heures sonnent. — La voix de M*** est couverte par des murmures peu courtois. Il parle encore et tous se sont levés, — la péroraison se perd dans le bruit des chaises. Par déférence, je m’attarde ; deux ou trois élèves restent aussi. Tandis que le professeur, sans doute accoutumé à tel succès, rassemble ses notes et s’éloigne, le surveillant de service a écarté le grand rideau du fond. Un autel apparaît, — des dorures, — une lumière. Cette chapelle n’est pas désaffectée. A côté de moi, j’entends une exclamation de surprise : « Tiens, un théâtre ! » Quel monde dans ces trois mots !...


Décembre 1902. — L’autre soir, au guichet, une surprise m’attendait. Comme je demandais ma carte, on m’annonce que le cours de physiologie est remplacé par une composition. Un peu étonnée, car l’usage est de prévenir d’avance, je me rends à la chapelle où, le long de longues tables à tréteaux, des infirmières déjà sont assises. Les infirmiers composent à part, dans un des réfectoires de l’hôpital. Les élèves libres peuvent aussi se rendre, dans une autre salle.

Je m’assieds en face de deux petites en bonnet, qui, leur manuel ouvert, se demandent quel sera le sujet de la composition. « Bah ! dit l’une, on copiera. » Et cette perspective paraît les rassurer. On nous passe deux feuilles blanches, timbrées à la griffe de la Pitié. L’une est destinée au brouillon, qui doit être remis en même temps que la copie, dans une heure. Un surveillant dicte les questions : « 1° Que savez-vous du cœur ? 2° Qu’est-ce que la respiration ? » — Je n’ai pas assisté au cours qui a traité de ces sujets, mais ils sont assez élémentaires pour me donner assurance.

Tout en commençant à écrire, je m’aperçois que toutes mes voisines copient. Au bout de quelques minutes, le surveillant, moins tolérant sans doute qu’à l’ordinaire, — ou de mauvaise humeur ce soir, — passe derrière les chaises et, sans mot dire, enlève un à un les manuels ouverts sur les genoux. Consternation générale ! Et, tandis que je continue d’écrire, les regards se