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substitution des laïques aux religieuses a pour effet de relever la condition des infirmiers et des infirmières... La création des écoles professionnelles a été une véritable révolution dans la société hospitalière. Elle a appelé tout le monde aux emplois supérieurs. Autrefois, les hauts grades dans larmée et même dans les administrations n’étaient dévolus qu’aux fils de famille, aux courtisans titrés, aux bâtards de rois ou de princes. La grande Révolution est survenue qui a balayé tous ces privilèges et adjugé les places au seul mérite. Aujourd’hui, vous connaissez le dicton : tout soldat a dans sa giberne le bâton de maréchal.

« La laïcisation et la création des écoles ont fait de même dans les hôpitaux. L’ordre privilégié des religieuses disparaît et vous pouvez tous et toutes prétendre, par le travail et l’assiduité, au grade de surveillant et de surveillante. »

D’où il suit que le dévouement est au nombre des privilèges abolis. Je verrai demain entre quelles mains se trouve actuellement cette antique prérogative.


Lundi 10 novembre. — Assisté au cours pratique de petite médecine. Deux heures moins cinq. Il pleut. Devant la porte de l’hôpital, des groupes stationnent, patiemment. En passant, je remarque l’anxiété des visages. Le concierge m’arrête : — « Je vais au cours. » — « C’est bien, vous pouvez entrer. » Je comprends que ceux qui attendent là sont les parens privilégiés admis à voir leurs malades aujourd’hui. L’usage, motivé d’ailleurs, ne permet l’entrée des salles que le dimanche et le jeudi. Exception est faite pour certains, compris sous la triste rubrique de « grands malades. » Ceux-là, on peut les visiter chaque jour, de deux à trois heures. De là l’expression que j’ai saisie sur les figures.

Les cours pratiques sont faits par des surveillantes, spécialement appointées. Salle Trousseau. Au fond de la deuxième cour, deuxième étage. Je suis quelques infirmières qui me paraissent avoir la même destination que moi. Nous entrons dans une petite pièce, meublée d’une table et de quelques chaises. Fenêtres closes, l’atmosphère est étouffante. Assise derrière la table, la surveillante chargée du cours attend que les élèves se trouvent en nombre suffisant. Cependant, je regarde les arrivantes.

A première vue, elles se classent en deux catégories : les infirmières en blouse et en bonnet, — une dizaine environ, —