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est l’exact résumé des vues exprimées dans la correspondance de d’Antin. Ce fut aussi sous l’administration d’Orry que fut signé l’acte de vente au Roi du palais Mancini, loué à la France depuis 1725. D’Antin, qui attachait grand prix à ce que l’Académie oût une installation définitive, en avait préparé l’acquisition, après avoir pendant un moment songé soit au Palais Farnèse, soit à la Villa Médicis. Wleughels eut la satisfaction de mener à bien cette négociation. À peine venait-il de la terminer qu’il fut emporté par une attaque d’apoplexie, suivant ainsi de très près dans la tombe celui dont il avait été le collaborateur.

L’ambassadeur de France, qui était alors le duc de Saint-Aignan, confia provisoirement la direction de l’Académie au sculpteur Lestache. Cet intérim fut de courte durée. De Troy, peintre ordinaire du Roy, professeur à l’Académie royale de peinture et sculpture à Paris, fut, dès le 22 janvier 1738, désigné comme directeur de l’Académie de France, dont il avait été, au temps de Poërson, un des pensionnaires.

C’est à Rome que de Troy, qui avait à un haut degré le sentiment de l’art décoratif et qu’on alla jusqu’à appeler le Tiepolo français, termina pour les Gobelins la belle suite de l’Histoire d’Esther, naguère encore si justement admirée au Grand Palais des Champs-Elysées, et qu’il entreprit celle de Médée et Jason.

Très bien accueilli à Rome où, peu de temps après son arrivée, il perdit sa femme, qui s’y était fait beaucoup aimer, et son dernier fils, de Troy resta pendant quatorze ans à la tête de l’Académie. Son directorat fut brillant ; sa correspondance, toutefois, n’offre pas un très vif intérêt ; il y est beaucoup question de ces minces incidens dont le récit se reproduit fort souvent dans les lettres des directeurs de l’Académie : démêlés avec les sbires pontificaux, incartades des pensionnaires, difficultés de divers genres avec les autorités romaines. De Troy signale de temps en temps les œuvres de ses élèves, parmi lesquels figurent Fragonard et Vien, qui plus tard devint directeur de l’Ecole de Rome.

Comme pensionnaire de l’Académie, Vien ne se distingua pas seulement par des travaux qui témoignent d’une sérieuse tendance vers l’étude de la nature, alors abandonnée ; il fit beaucoup parler de lui par l’organisation d’une mascarade qui obtint auprès des Romains un si vif succès que le pape Benoît XIV lui-même aurait voulu, dit-on, en être un des spectateurs et, pour