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suivant, — il dit encore : « Puisque le sieur Franque est aussi médiocre que vous me le marquez, je suis bien aise qu’il ne soit plus à l’Académie, et il fera mieux de s’établir en province qu’à Paris ; la recommandation, dont vous me parlez, d’un évêque qui vous écrivit à son sujet doit vous faire connaître que pour l’ordinaire les recommandations servent à couvrir l’incapacité. » Et d’Antin, désireux de tenir Wleughels en haleine, ajoute, dans un post-scriptum quelque peu sévère : « Je ne peux pas prendre confiance en ce que vous me mandez, puisque vous ne me dites la vérité que lorsque les élèves sont partis. Qu’avez-vous à ménager ou de qui avez-vous peur avec un homme tel que moy ? » D’Antin ne se trompait pas. Non seulement pour Poërson et pour Wleughels, mais aussi pour l’Académie, qui longtemps devait s’en ressentir, ce fut une rare fortune d’avoir pour chef pendant vingt-huit ans, surtout au moment critique où elle était menacée de disparaître, un homme tel que d’Antin, indépendant, grand seigneur, jugeant de haut toutes choses, d’un goût éclairé, pénétrant jusque dans le moindre détail des affaires qui lui étaient confiées, ne craignant personne, si ce n’est le Roi, dont il s’appliquait sans cesse à justifier la faveur.

Aussi, lorsque l’on compare l’Académie, telle que d’Antin l’avait recueillie des mains de Mansart, à ce qu’elle était redevenue à la fin de son directorat, il n’est guère possible de ne pas rendre hommage à l’excellence de son œuvre. Brillamment installée, richement meublée, objet d’admiration pour ses visiteurs et d’envie pour les Puissances rivales, l’Académie de France à Rome comptait alors des élèves tels que G. Coustou, Pigalle, Natoire, Slodtz, Soufflot, dont Wleughels venait d’écrire que, « tout jeune, il a beaucoup de mérite et qu’il y a lieu de croire qu’il ne fera pas déshonneur à l’Académie. » Ils devaient jusqu’à la Révolution, pour ne parler que de cette période, être suivis de beaucoup d’autres, — les plus célèbres furent Louis David et Houdon, — qui allaient répandre sur l’Ecole française le plus vif éclat. A la mort de d’Antin, la direction des Bâtimens tut confiée à Orry, contrôleur général des finances, bon administrateur, plus fait pour les chiffres que pour les arts. Si Orry fut loin d’attacher à la gestion de l’Académie de France la même importance que son prédécesseur, il eut du moins le mérite d’exécuter fidèlement ses dernières volontés. C’est ainsi que l’instruction pour l’Académie de Rome, au mois d’août 1737,