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de ce que l’on a fait, où chacun est libre de dire sa pensée et de proposer ses idées pour parvenir à la perfection. » N’est-ce pas là un judicieux aperçu de ce qu’était, de ce que doit être l’Académie de France ?

Aussi d’Antin se montre satisfait. « On ne peut, écrit-il à Wleughels, être plus content que je le suis de tout ce que vous dites de vos élèves et de la manière dont vous leur faites employer leur temps... » Un peu plus tard, il ajoute : « Je suis éloigné de penser à faire revenir de Rome les élèves qui se distinguent par leurs travaux et leur talent à devenir des illustres ; le temps n’est limité que pour ceux qui, par la médiocrité de leur génie et leur peu d’émulation, ne font qu’occuper des places que d’autres emploieraient mieux ; aussi c’est à vous de juger du temps qu’il faut laisser à Rome les uns et les autres... » Une telle règle, même aujourd’hui, ne serait-elle pas excellente ?

Ayant un collaborateur tel qu’il l’avait désiré, à peu près délivré des soucis pécuniaires qui longtemps avaient été une entrave, à la fois plus puissant et plus libre, d’Antin entreprend résolument de remettre l’Académie sur un pied digne de la France. S’étant fait envoyer un plan exact du palais Mancini où elle vient de s’installer, il décide d’en orner les appartemens de réception de meubles de prix et de tapisseries des Gobelins choisies parmi les plus belles. Avec autant de goût que de compétence, d’Antin discute tous les détails de cet aménagement : « Il ne faut pas, écrit-il par exemple, le 19 mai 1726, s’imaginer de mettre des tableaux sur des tapisseries ; rien ne fait plus mal ; il faut un beau blanc... ou du damas cramoisy qui rejette parfaitement bien les tableaux comme vous avez pu voir chez moi à Paris. Suivant le plan, il me paraît qu’on pourrait boucher les portes qui entrent dans le double et interrompent les tapisseries... Je vous envoie tout ce qu’il faut pour meubler le grand appartement et j’ose dire qu’il y a longtemps qu’on a fait un si bel envoi à Rome. » L’état joint à cette lettre, du 2 août 1726, montre l’exactitude de cette assertion ; l’on y voit notamment la tenture de l’Histoire du Roy, en basse lice, faite aux Gobelins, composée de huit pièces, la tenture des Animaux des Indes de basse lice, de trois aunes et demie de haut, faite de même aux Gobelins et composée de huit pièces, nombre d’autres tapisseries, des portières, des banquettes, des sièges de la manufacture