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Rome ne cesse de faire des feux d’artifice et de courir, toutes les nuits, avec des vizirs en carton, auxquels ils disent force injure, les brûlant et criant : « Vive l’Empereur ! »

Entre temps, d’Antin, fidèle à son habitude, rappelle son Subordonné au principal devoir de sa charge : « Une chose dont vous ne me parlez jamais, lui écrit-il le 23 juin 1717, et qui m’est moins indifférente (que toutes vos nouvelles), c’est de vos élèves. Votre silence me fait craindre que vous n’ayez rien de bon à en dire ; mais, quoi qu’il en soit, je vous prie de me marquer ceux qui font bien ou qui l’ont mal, les différens talens où ils s’adonnent et les succès qu’ils y font. Il faut au moins que la dépense qu’ils coûtent au Roy ne soit pas inutile, et vous devez vous faire honneur de nous envoyer de bons sujets. »

Il est des cas, pourtant, où d’Antin ne se montre pas aussi dédaigneux des nouvelles que lui envoie Poërson. S’il est excellent administrateur, il est aussi homme de cour. Au moment, par exemple, où les intrigues d’Alberoni prennent à Rome de l’importance, d’Antin, sachant combien le Régent s’en préoccupe, mande à Poërson : « Continuez à me faire part de tout ce qui vient à votre connaissance. Ce n’est pas à vous de garantir la vérité de ce qu’on débite. Il suffit que vous rendiez les choses comme on vous les donne. » Le reportage, on le voit, ne date pas d’hier. L’observation suivante suffirait, elle aussi, à en témoigner : « Si j’étais mieux en argent comptant, je pourrais encore mieux servir Votre Grandeur, parce qu’avec cette clef on entre dans bien des cabinets. » Mais d’Antin n’entend pas payer trop cher ce que lui envoie son correspondant : « Continuez toujours de même, il ne m’en faut pas pour plus d’argent. »

Entre toutes autres, les informations relatives aux conclaves, qui se succédèrent assez fréquemment à cette époque, eurent le don d’intéresser d’Antin. Il s’en avoue curieux ; mais ce qu’il veut, ce sont de vraies nouvelles, et non pas des récits de cérémonies, si communs, dit-il, qu’il fait savoir à Poërson qu’il l’en dispense. Le conclave de 1724, qui dura plus de deux mois (Benoît XIII ne remplaça que le 27 mai Innocent XIII décédé le 7 mars), donna notamment à la plume de Poërson tout loisir de s’exercer. Il ne s’en fit pas faute. Il semble que, pour lui, le conclave n’ait guère de secrets. Il va jusqu’à raconter par le menu les altercations qui se seraient élevées entre les chefs de « factions, » leurs négociations,