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de l’ennemi, « ses extravagances, » comme l’écrivait d’Antin, devaient se succéder avant que ce vœu, qui était celui de la France entière, fût exaucé. Villars, enfin, le réalisa à Denain.

Jusqu’au moment où la fortune redevint plus favorable aux armes de Louis XIV, la correspondance de d’Antin avec le directeur de l’Académie n’a guère trait qu’à des échanges de vues ou à des encouragemens accordés à Poërson, nommé, à sa grande joie, chevalier de l’ordre de Saint-Lazare. Comme Poërson, fidèle à son habitude, se confond, à ce sujet, en remerciemens interminables, d’Antin lui fait cette brève et caractéristique réponse : « J’avais bien compté que la grâce que le Roy vous a faite ferait bon effet à Rome. Il n’y a rien qui fasse plus d’honneur que de recevoir les récompenses de son maître. » Quant aux innombrables rumeurs dont Poërson lui transmet l’écho, le duc s’en soucie peu : « Laissez dire vos politiques romains. Vous saurez avant peu à quoi vous en tenir. »

Ce qui préoccupe d’Antin, ce sont les malheurs de la France, les revers de nos armées, les deuils qui, coup sur coup, frappent la famille royale. Aussi se fait-il envoyer des détails très précis sur les services célébrés à Rome après la mort du Grand Dauphin, du Duc et de la Duchesse de Bourgogne et de leurs enfans, et que le représentant de la France, le cardinal de la Trémouille, avec le concours de l’Académie, s’appliqua à rendre aussi solennels que possible.

Même sur ce terrain funéraire, il s’agissait de dissimuler une détresse qui réjouissait nos ennemis. « La peste peut venir en Italie, écrit d’Antin ; ils ont mérité pis, par la manière dont on s’est gouverné dans ce pays-là depuis 1701. » A Poërson qui relate com plaisamment les fêtes dont il est témoin, il réplique : « Nous ne sommes point comme à Rome, où tout paraît en gayeté ; nous sommes pénétrés de la plus vive douleur que l’on puisse ressentir de toutes les pertes que nous venons de faire, et nous avons bien raison. »

Après le traité d’Utrecht, la situation changea. La période de paix qui s’ouvrit alors pour la France fut très propice à l’Académie. Poërson, toutefois, a pris un tel goût à son rôle de chroniqueur que sa correspondance continue à être une gazette. Il ne tarit point sur les victoires du prince Eugène, sur la défaite des Ottomans, sur la levée du siège de Corfou, « qu’on tient pour un vrai miracle, » et à l’occasion de laquelle, le peuple de