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se plaint, non sans vivacité, du relâchement des règles précédemment fixées, la plupart des pensionnaires entrant par faveur et sans beaucoup de choix. Tout naturellement aussi, il profite de l’occasion pour faire, dans le style adulateur et pompeux qui lui était habituel, l’apologie de d’Antin. Ce n’est pas, cependant, sans quelque vérité qu’il écrit : « Ce bel établissement, si glorieux au Roy et si utile à la nation, serait tombé si le Ciel, qui veut que le règne de notre grand Monarque ne souffre aucune diminution, ne lui avait inspiré, Monseigneur, de vous choisir pour être l’illustre restaurateur des Beaux-Arts. »

Poërson propose ensuite diverses modifications à apporter dans le fonctionnement de l’Académie. Il demande que les maîtres d’anatomie et de mathématiques, qui avaient été supprimés, soient rétablis, et que les élèves travaillent de nouveau pour le Roi, « parce qu’il est constant qu’ils en sont plus apliquez » et que « la pluspart des belles peintures qui se font en France, aux Gobelins, viennent d’après les copies que nous avons faites icy. » Avec plus d’insistance encore, Poërson souhaite que les jeunes peintres, sculpteurs, architectes et graveurs soient recrutés avec soin en raison de leur capacité et de leurs mœurs. « Outre, dit-il, que l’air de ce pays et les fréquentations y sont très dangereux, l’honneur de notre nation y est fort intéressé,... les égaremens de ces jeunes Français de tous rangs qui viennent à Rome étant en partie cause du mépris et de la haine que ces peuples, en général, ont contre nous et qu’ils ont fait paraître depuis sept années environ. » Poërson n’exagérait-il pas quelque peu l’importance de ces incartades déjà signalées par Houasse, son prédécesseur, et qui avaient provoqué l’irritation de Mansart qui, dans une de ses lettres, allait jusqu’à dire « qu’on serait bien heureux si l’on pouvait espérer une saison où ils puissent mourir ? » À cette heure-là, ces turbulens étaient en très petit nombre à l’Académie. On n’y comptait plus, lorsque d’Antin fut appelé à la direction des bâtimens, que deux peintres, un sculpteur et un neveu du feu surintendant Mansart, « le sieur abbé Hardouin, qui ne dessinait, ni ne peignait, et qui, outre la pension ordinaire, touchait 500 livres par année. »

Poërson se plaint également des refus auxquels il se heurte pour faire travailler ses élèves au Vatican et dans les palais des princes et cardinaux. Il est vrai que cette difficulté lui paraît devoir être passagère, étant persuadé, dit-il, « que, si le bon