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des fastueuses dépenses était passée ; on touchait aux heures les plus sombres, les plus cruelles, de la guerre de la succession d’Espagne ; aux yeux de l’Europe, presque tout entière coalisée contre le monarque dont elle avait si longtemps et si impatiemment subi l’omnipotence, il s’agissait de voiler le plus possible l’étendue de notre défaite et l’épuisement de nos ressources. D’Antin, avec une habileté extrême, s’acquitta de cette tâche difficile.

A Rome plus qu’ailleurs, comme le mandait Torcy à l’abbé de Polignac, notre-chargé d’affaires, « il estait de la gloire et de l’intérest du Roy de soutenir l’Académie dans un pays où l’on croirait la France absolument ruinée, si l’on négligeait la dépense d’un aussi modique entretien. » Pour cela, d’Antin fit l’impossible. Dans la lettre même par laquelle il avisa Poërson de sa nomination, le nouveau directeur général déclarait que « son premier soin avait été de songer à l’Académie royale de Rome, « désirant fort qu’elle soit dans Testât qui convient. » En même temps qu’il prescrivait « de ne rien négliger pour soutenir et relever cette Académie, » d’Antin faisait parvenir à Poërson des lettres de change impatiemment attendues. Ainsi réconforté, Poërson ne par la plus de sa démission, ni de l’inutilité de l’Académie. Peu de jours après, Polignac pouvait écrire à Torcy : « Je suis fort aise que M. le marquis d’Antin prenne un peu à cœur notre Académie de Rome ; il a très bien commencé pour la remettre en Europe. Poërson gémissait depuis longtemps de Testât où ce bel établissement tombait malgré tous ses efforts. Il ne songe plus à quitter son emploi ; au contraire, il est plus que jamais animé à le remplir dignement... Je ne crois pas que M. Mansart fût si touché de la raison qui fait souhaiter que l’Académie se maintienne. » Mais on avait beau faire, la misère persistait. C’est ainsi que, d’Antin l’invitant à préciser « ce que Ton pourrait tenter pour rétablir l’Académie dans son ancien lustre, » Poërson raconte qu’on en était venu à ne plus pouvoir fournir, pour leurs travaux, aux pensionnaires peintres des toiles el des couleurs, aux sculpteurs du marbre et des outils.

Au cours de cette même lettre, après avoir tracé du parfait directeur de l’Académie de France à Rome un portrait qui ressemble beaucoup au sien et quelque peu daubé sur son prédécesseur, La Teulière, « qui, n’était ni peintre, ni sculpteur, et dont le choix avait été cause du dérangement de l’Académie, » Poërson