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l’égard de son prédécesseur, qu’un très grand désarroi régnait, lors de son arrivée, parmi les élèves de l’Académie. De son côté, Mansart lui adresse, pour que tout rentre dans l’ordre, de sévères instructions, à l’observation desquelles il ne paraît pas, d’ailleurs, avoir beaucoup tenu la main, si l’on en juge par ce fait qu’il envoya, comme pensionnaire à l’Académie, un de ses neveux, jeune abbé, qui n’était ni peintre, ni sculpteur. Ces infractions au règlement n’empêchaient pas Mansart de recommander de ne dépenser que le strict nécessaire et de ne pas augmenter le nombre des pensionnaires, déjà très restreint. C’est ainsi que, trois places étant devenues vacantes, Mansart ne désigna d’abord, pour ces vacances, qu’un seul titulaire ; pour celui-ci, il eut la main heureuse : ce pensionnaire n’était autre que Jean-Baptiste de Troy, qui devait se distinguer par un réel talent et devenir ultérieurement directeur de l’Académie de France.

Ce fut à partir du directorat de Houasse que les directeurs, tout au moins pendant la première partie du XVIIIe siècle, prirent l’habitude d’adresser au surintendant des informations nombreuses sur tout ce qui se passait à Rome et sur les nouvelles qui y parvenaient des divers points du monde. Ces renseignements offraient, à cette heure-là, d’autant plus d’intérêt qu’on était à la veille de l’ouverture de la succession d’Espagne ; plus que jamais s’accentuait la lutte d’influences qui se poursuivait depuis si longtemps entre la maison d’Autriche et la maison de France. Conformément aux instructions qu’il avait reçues, Houasse se croit obligé d’envoyer à Versailles de nombreux détails sur l’état de santé du Pape, les nominations ou les décès des cardinaux, les voyages princiers, les intrigues de l’ambassadeur d’Allemagne, la mort d’Innocent XII, le conclave, l’insulte faite au prince de Monaco, ambassadeur de France, par les soldats de la garde du Pape et les sbires, l’élection de Clément XI, bref une vraie chronique de Rome durant toute cette période, qui fut particulièrement agitée.

Entre temps, Houasse demande à Mansart d’autoriser quelques achats de livres ou d’objets mobiliers tout à fait indispensables. Mansart y consent, mais c’est en recommandant, toujours et sans cesse, « l’économie nécessitée par les circonstances. » La misère de la dernière partie du règne de Louis XIV, naguère si magnifique, apparaît jusque dans les moindres choses. C’est à peine si l’on constate une légère détente entre la paix de Ryswick et le