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beaux, et même de très justes en faveur du maintien de l’Académie : « Il est à considérer, répondait-il à Villacerf, le 24 mai 1694, que Rome est un théâtre exposé à la veue de tout l’univers, où l’on ne saurait rien faire qui ne devienne public en moins de vingt-quatre heures, parce qu’il n’y a point de lieu où les espions soient en plus grand nombre... Le Roy a icy très peu de partisans en comparaison de ses ennemis, par une fatalité difficile à comprendre. De manière qu’on y est plus disposé qu’ailleurs à porter un jugement peu favorable sur tout ce qui regarde la France, pour ce qui peut souffrir une mauvaise interprétation, et tous les jugemens que l’on se forme icy, bien ou mal fondés, se respandent ensuite dans tout l’Univers en moins de temps qu’ailleurs parce que cette ville a commerce avec tout le reste du monde... »

Tout cela était vrai, mais une phrase de Villacerf montre à quel point la situation de l’Académie avait changé depuis la surintendance de Colbert : « J’ay assez d’amitié, écrit Villacerf, pour le sieur Lepaultre, pour luy conseiller moi-même de venir à Paris, s’il y avait du travail pour l’occuper et s’il pouvait y gagner sa vie ; mais l’on n’y fait rien présentement et tous les sculpteurs sont inutiles. »

Malgré les obstacles de plus en plus nombreux auxquels il se heurtait, La Teulière continua à diriger l’Académie jusqu’au moment où Villacerf fut remplacé à la surintendance par Jules Hardouin Mansart. Quoique La Teulière, en apprenant le choix de Mansart, lui eût adressé les lettres les plus obséquieuses, ces protestations « de docilité, de soumission et de zèle » ne touchèrent apparemment pas beaucoup le nouveau surintendant, qui, quelques jours après, l’informait, par une lettre du 4 mars 1699, qu’il était « très fasché et bien mortifié d’être dans la nécessité de lui apprendre que le Roy avait disposé de sa place en faveur de M. Houasse, Sa Majesté désirant que ce soit un habile peintre qui ayt la direction de l’Académie. » Dans cette lettre, Mansart faisait allusion à d’autres raisons que La Teulière pourrait apprendre après son retour et qui semblent avoir trait à sa gestion financière. Cette brusque disgrâce mit le pauvre La Teulière, comme il l’écrit lui-même, dans un pitoyable état. Il mourut à Rome peu de temps après.

Houasse, qui remplaça La Teulière, informe Mansart, dans ses premières lettres, non sans quelque malicieuse intention à