Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 19.djvu/370

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il faut ajouter que, sur les questions d’art elles-mêmes, La Teulière n’était point d’accord avec Villacerf non plus qu’avec Mignard, le conseiller et l’inspirateur du surintendant. Partisan des traditions classiques, dissertant volontiers et longuement sur la beauté des œuvres d’art que nous a léguées l’antiquité, La Teulière se montrait fort sévère pour les Italiens de son époque, Bernin, Pietro de Cortone, Borromini, « qui, dit-il, négligeaient fort l’anatomie jusqu’à la mépriser et la blâmer même indirectement parce qu’ils l’ignoraient et étaient naturellement fort paresseux. » Il les accusait encore « d’avoir ruiné les beaux-arts par les libertés qu’ils avaient prises tous trois de donner beaucoup à leur goût particulier ou, pour mieux dire à leur caprice, chacun dans leur art. » Mignard, au contraire, était beaucoup plus indulgent pour les maîtres italiens d’alors, dont il se rapprochait à plusieurs égards. Tandis que La Teulière demandait, conformément à la tradition de Colbert, que, pour les travaux destinés au Roi, l’on n’employât que des artistes français, Mignard préférait « qu’à Rome, on se servît d’autres peintres que les Français, qui sont des jeunes gens qui ne s’attachent pas à des ouvrages de longue haleine. » Quant à Villacerf, il n’était pas l’ennemi des interprétations de l’Antique, que réprouvait La Teulière, mais qui étaient alors si fort à la mode chez la plupart des peintres et des sculpteurs. « Il ne faut pas, écrivait Villacerf, le il mai 1693, vous arrêter autant à l’Antique que vous faites, c’est-à-dire le copier de point en point, parce qu’autrefois on pouvait faillir, comme on le fait à présent ; et, quand vous trouvez quelque chose qui n’est pas bien dans une figure antique, il le faut corriger avec connoissance de cause, estant une méchante excuse à l’ouvrier de dire qu’il a suivi l’Antique. »

A diverses reprises, dès cette époque, on fit courir à Rome le bruit de la suppression de l’Académie de France. Ce qui y donnait lieu, c’étaient les retranchemens successifs qui avaient été opérés sur le nombre des élèves et sur le personnel auxiliaire, la suppression des professeurs d’anatomie et de mathématiques, la réduction de l’allocation accordée aux pensionnaires. Ces mesures étaient fort commentées, mais, comme l’écrivait Villacerf, qui, lui-même, dans une lettre du 3 mai 1694, parle de l’éventualité de la fermeture de l’Académie, « tous les raisonnemens ne tiennent rien contre le manque d’argent. »

La Teulière cependant nu cessait d’en présenter de fort