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à aucun instant, de l’embellissement des maisons du Roi et de la prospérité de l’Académie de Rome.

Louvois ne manquait ni de goût, ni de connaissances artistiques. C’est ainsi que, dans une lettre à La Teulière, du 2 août 1688, il critique d’une manière très judicieuse le tableau d’un élève de l’Académie : « La Cléopâtre, dit-il, ne m’a pas semblé bien dessignée, particulièrement le col, qui est plus long qu’il ne devrait être. La teste de la suivante n’est point d’aplomb sur son col, ni sa gorge sur ses jambes... Son visage a un mauvais coloris. »

Assez fréquemment Louvois invite La Teulière à le renseigner sur les acquisitions qu’il est possible de faire en Italie et il en ordonne d’importantes, bien que le Trésor royal soit très obéré par les dépenses de guerre. A l’exemple de Colbert, qu’il imite en cela, Louvois s’informe souvent des travaux exécutés par les pensionnaires, de l’assiduité de ceux-ci, de leurs qualités artistiques. Donnent-ils prise à son mécontentement, il l’exprime en termes impérieux, conformes à son caractère. « Si cela ne les corrige pas et qu’ils ne s’appliquent pas uniquement à travailler, je vous ordonne de les renvoyer tous, les uns après les autres, sans rien leur donner pour leur voyage, et ils peuvent être assurés qu’en arrivant, je les ferai mettre à Saint-Lazare pour un an. « 


II

La période qui suivit la surintendance de Louvois, auquel succéda Edouard Colbert, marquis de Villacerf (juillet 1691- octobre 1699). — qui eut lui-même comme successeur Jules Hardouin Mansart (janvier 1699 à mai 1708), — fut moins brillante que la précédente. Les difficultés pécuniaires allaient croissant et les nouvelles de l’Académie n’offraient plus qu’un intérêt très secondaire pour ceux que rendait anxieux l’issue de la lutte engagée contre la coalition européenne.

Déjà vieux, n’ayant plus Louvois pour le diriger, en butte à l’hostilité des peintres et des sculpteurs qui ne lui pardonnaient point de n’être pas des leurs, allant même jusqu’à s’imaginer qu’un des anciens élèves de l’Académie, Théodose, avait voulu l’empoisonner, La Teulière, qui sentait sa faveur faiblir, envoya à Paris un projet de médaille destinée à célébrer les victoires du Roi, mais l’inscription de cette médaille, maladroitement conçue, déplut fort et acheva sa disgrâce.