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à l’état de santé d’Errard, que celui-ci demanda à Colbert l’autorisation de rentrer en France. Il quitta Rome, comblé de témoignages d’estime et de sympathie, et fut remplacé à la tête de l’Académie par Noël Coypel, peintre du Roi, l’un des principaux élèves et amis de Lebrun. Coypel partit pour Rome avec son fils, Antoine Coypel, qui devait lui-même être un peintre distingué, et dix autres jeunes artistes, au nombre desquels il faut noter Jouvenet, qui peignit le plafond de la chapelle de Versailles, et Charles Poërson, qui devint plus tard directeur de l’Académie de France. Mais, à vrai dire, le directorat de Coypel ne fut qu’un intérim. Sous Coypel comme sous Errard, la pensée directrice de l’Académie ne varia pas. Les instructions envoyées à Coypel, pendant les deux années de son séjour à Rome, sont de la même plume et de la même inspiration que celles qu’avait reçues Errard.

« Il importe, écrit Colbert à Coypel, dès l’arrivée de celui-ci à Rome (14 avril 1673), de vous bien appliquer à l’instruction des jeunes peintres, sculpteurs et architectes que Sa Majesté entretient dans cette Académie. Outre cette application que vous devez avoir comme la principale et la plus importante, vous devez encore rechercher avec soin tout ce que vous pourrez trouver de beau en bustes, figures, bas-reliefs et autres beaux ouvrages de l’ancienne Rome et, en cas que vous en trouviez à bon marché, les acheter ; mais prenez bien garde de ne vous en déclarer à personne et d’exécuter avec adresse et secret l’ordre que je vous donne en cela, n’estant pas à propos d’en faire aucun éclat et ne voulant pas mesme y mettre beaucoup d’argent... Mais surtout ayez soin de me rendre compte, tous les mois, de ce qui se fera dans l’Académie et envoyez-moi un mémoire de ce que vous y avez à présent. » Tout Colbert est dans cette lettre.

Ce fut pendant le passage de Coypel à Rome, que l’Académie quitta une installation, qui avait été toute provisoire, pour s’établir au palais Capranica ; ce fut sa seconde étape ; la troisième devrait être le palais Mancini, dans le Corso ; la quatrième, la Villa Médicis.

En mai 1675, Errard, qui, plus que sexagénaire, venait d’épouser en secondes noces, une jeune fille de dix-huit ans, Marguerite-Catherine Goy, fille de Claude Goy, peintre ordinaire du Roi, revint reprendre la direction de l’Académie. Il la conserva jusqu’après la mort de Colbert, en 1683.