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ordres. « Je m’étonne, remarque-t-il plus d’une fois, que vous ne m’écriviez rien des vases que je vous ay ordonné de faire. » Mais sa principale préoccupation, c’est que l’on n’envoie à Rome que des artistes habiles et bien doués, afin qu’il n’y ait à l’Académie que d’excellens sujets ; toujours prêt à récompenser ceux qui travaillent et qui réussissent, il est impitoyable pour les autres. « Prenez garde, dit-il, de me faire connaître le caractère des esprits des élèves que je vous envoyé pour oster entièrement les factieux et incapables d’en profiter. » Enjoignant de mettre hors de l’Académie un sculpteur dont la conduite avait causé quelque scandale, il ajoute : « Faites en sorte que ces exemples d’autorité que je vous donne obligent les élèves d’estre obéissans, sages, modestes et appliquez à leur travail. »

Dans l’art comme en toutes choses, Colbert n’admet pas le caprice ; il veut l’exactitude, la correction : « Prenez garde, mande-t-il à Errard, que les sculpteurs copient purement l’Antiquité sans y rien adjouter. »

Colbert estimait que, même pour les hommes bien doués, de bonnes écoles sont nécessaires. Il n’avait nullement l’illusion de croire que, pour susciter de grands artistes, il suffit d’institutions bien administrées ou d’encouragemens aux arts.

Malgré les guerres, de plus en plus onéreuses, qui marquèrent la période de 1670 à 1680, Colbert, jusqu’à la fin de sa surintendance, réussit à accroître la prospérité et l’éclat de l’Académie ; il s’en préoccupait sans cesse : « Il me semble, écrivait-il à Errard, le 23 juillet 1672, que le nombre des académistes diminue ; j’auray soin de vous en envoyer de nouveaux. Vous voyez bien par là que le Roy n’est pas résolu de discontinuer le soin des arts, nonobstant les grandes guerres auxquelles Sa Majesté est à présent appliquée. Et pouvez estre assuré que Sa Majesté, aimant autant les Beaux-Arts qu’elle fait, les cultivera avec d’autant plus de soin qu’ils pourront servir à éterniser ses grandes et glorieuses actions... En un mot, redoublez vostre chaleur et vostre application plus que jamais et entreprenez hardiment de faire copier tout ce qu’il y a de beau. Surtout pensez à conserver votre santé parce qu’elle est nécessaire pour bien establir cette Académie qui sera éternelle dans Rome, si Dieu donne aux Roys, successeurs de Sa Majesté, le mesme amour qu’elle a pour les Beaux-Arts. »

C’est presque au lendemain de cette lettre, qui fait allusion