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la main du voyageur. Ici la baignoire, selon l’usage américain, se remplit d’eau chaude ou froide en une minute, comme la chambre à coucher se réchauffe ou se rafraîchit en un clin d’œil, suivant que l’on ouvre la manette du calorifère à vapeur ou le robinet d’air froid.

Mais ce qui vraiment est propre à l’unique génie local, ce en quoi les Américains donnent des leçons et n’en reçoivent pas, ce qui par conséquent est tout à fait digne d’étude pour le visiteur, c’est la simplification de l’effort par le machinisme de ce phalanstère. C’est dans les premier et deuxième dessous — basement et sub-basement — qu’il le faut aller voir.

Jeté de la rue dans une bascule, le charbon y est saisi par une chaîne à godets, qui le distribue tout au long de la chambre des chaudières et le livre à des chargeurs automatiques ; tandis que les cendres, automatiquement aussi, sont rejetées dans des camions sur les trottoirs. La vapeur, au sortir des cylindres, monte dans un condenseur où elle est filtrée au coke, rebouillie, écrémée, pour se purger de l’huile dont elle a pu s’imprégner. Eau distillée désormais, cette ancienne vapeur se filtre à nouveau au charbon de bois, puis au noir animal, et va se transformer en pain de glace, dans les machines ammoniacales. Ces pains, de 150 kilos chacun, sont saisis par un treuil roulant, plongés un instant dans l’eau chaude, pour être détachés de leur moule. Ils en sortent lentement, jusqu’à concurrence de 50 000 kilos par jour et se rendent, seuls toujours, dans un local maintenu à la température de 0° centigrade.

Nulle part, je pense, ou n’a fait un emploi plus varié de la force électrique. C’est elle qui imprime le mouvement aux 700 horloges, fait briller les 25 000 lampes, donne la sensibilité aux 130 téléphones et aux 4 000 sonnettes, aspire l’air vicié, le rejette au dehors et envoie dans les ventilateurs 47 000 mètres cubes d’air pur par minute.

C’est par elle que tournent et s’échauffent, à la blanchisserie, les rouleaux repasseurs du linge et que les brosses frottent et cirent les parquets ou lavent les dalles de marbre. C’est à l’électricité que le café se moud et que se hache la viande. Dans 500 chambres, elle chauffe les fers à friser ; à l’office, elle polit l’argenterie ; dans les appareils galvanoplastiques elle redore ou réargente le service de table ; à la cuisine, elle lave et rince les piles d’assiettes sales. Un moteur les plonge et les retire alternativement