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que leur laisse en moyenne chaque consommateur, ceux-ci glissèrent leurs sous dans des croûtes de pain ou des épluchures de fruits ; ils les dissimulèrent au fond d’un verre ou sous une assiette. Les patrons n’insistèrent pas : ils réduisirent proportionnellement le salaire qui sortait de leur poche, ou, au contraire encaissèrent eux-mêmes les pourboires. On sait que les cafés en vogue reçoivent de leurs garçons une redevance de 6, 8 et 10 pour 100 du montant des consommations servies ; ce qui laisse encore à chacun de ces employés une dizaine de francs par jour.

À côté d’un syndicat spécial qui se charge du recrutement, il existe, entre tous les hôtels, une sorte de confraternité pour le placement mutuel des sujets, dont cet échange de renseignemens garantit la bonne qualité.

La cuisine a son organisation distincte sous la haute surveillance du « chef. » À l’Élysée-Palace, ce gentleman-directeur, — nos pères le nommaient « écuyer de cuisine, » — commande à 43 personnes, réparties en 7 brigades, sous les ordres immédiats de « chefs de parties, » appointés chacun de 300 à 350 francs par mois. Potagers, sauciers, rôtisseurs, entremetiers, pâtissiers et glaciers évoluent, chacun dans son domaine ; les uns, autour des broches de deux mètres de long, des marmites profondes et des bassins à friture bouillonnante, où plongèrent, jusqu’à 300 truites en un jour ; les autres, modelant des sirops coloriés qui se figent sous leurs doigts en fleurs et en fruits, ou puisant dans leurs huit parfums de vanille, chocolat, orange, praliné, etc, la matière des bonbons et des petits fours.

Tous ces comestibles viennent des salles du « garde-manger, » soumises à un contrôle sévère : de là sortent la viande, la charcuterie, la volaille, expédiée par les marchands de Bresse et de Houdan ; le beurre, dont il est employé souvent 100 kilos par jour ; les écrevisses s’y promènent dans des viviers d’eau courante ; les homards vivans sont enterrés dans la glace ; il entre ici chaque année 500 000 kilos de glace, destinée à des usages divers.

Une dépendance de la cuisine est la caféterie. Les professionnels qui versent goutte à goutte l’eau bouillante sur la poudre de moka font aussi mousser le chocolat et infuser le thé. Le thé, belle source de profit : 0 fr. 20 de feuilles procurent une recette de 1 fr. 50. Mais tous les chapitres ne sont pas à l’avenant. Le patron « limonadier, » qui tire 6 bocks d’un litre de