Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 19.djvu/346

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’étant pas chez eux, répugnent à améliorer par des travaux coûteux un immeuble qui ne leur appartient pas ; les propriétaires de leur côté, n’ayant point de part au profit, se soucient peu d’amoindrir leur revenu en contribuant à des embellissemens qui n’augmenteront pas la sécurité de leur gage.

Une nouvelle création, l’Elysée-Palace des Champs-Elysées, est maîtresse de son local. Aujourd’hui possédé par une société anglaise, à la tête de laquelle se trouvent sir John B. Maple, le chevalier du « modern style, » et M. Nagelmackers, le très habile et actif directeur des Wagons-Lits, l’Elysée-Palace a été fondé par cette intelligente compagnie à laquelle les voyageurs européens sont redevables aussi des hôtels roulans qu’on nomme les « trains de luxe. » Le terrain a coûté 4 millions ; les constructions, d’une superficie de 3 700 mètres, 7 millions de francs ; le mobilier et le matériel d’exploitation reviennent à 3 millions et demi

Ici, comme au Ritz, les organisateurs se sont peu souciés d’introduire la simplification mécanique du service, à l’américaine. Le voyageur s’y montrait rebelle et préférait payer plus cher l’illusion de n’être pas « à l’hôtel. » Il refusait de donner ses ordres au moyen de cadrans électriques, portant l’indication imprimée des différens objets dont il peut avoir besoin, et l’on finit par enlever des chambres ces instrumens inutilisés. Mais il tenait aux détails artistiques de la décoration et des bronzes, à la fraîcheur des tentures fréquemment renouvelées, à la présence, dans son cabinet de toilette, d’une vaste baignoire de porcelaine, et généralement, à toutes ces inventions, où le confort se dissimule discrètement sous les apparences du luxe.

L’Élysée-Palace a, dans ses sous-sols, les ateliers de vingt corps d’état ; il a ses menuisiers, ses plombiers, ses teinturiers, qui nettoient, détachent et recolorent, ses tapissiers qui refont les matelas, passés à l’étuve, regarnissent les sièges et puisent dans les réserves du garde-meuble de quoi transformer en cinq minutes un salon en chambre ou une chambre en salon. Le matériel de 400 chambres, le linge, — 3 500 paires de draps et 50 000 serviettes, — dont l’achat primitif a coûté 230 000 francs, l’argenterie, les ustensiles divers de cave et de cuisine, — ces derniers payés 28 000 francs, — tout cela est inventorié chaque mois.

L’introduction de tout objet, de toute marchandise, comporte un sérieux examen à son passage par l’économat. On y pèse les couvertures et le linge, vérifié au compte-fils ; on y mesure la