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qu’ailleurs. Rentiers ou commerçans, employés ou domestiques, ceux-là forment une population stable. Parmi la population instable de Paris qu’abritent les hôtels, l’étranger n’est pas en majorité, si l’on donne le nom d’hôtel à tout local meublé, loué à la journée ou à la semaine.

Le 1er juin 1903, il est entré dans les « auberges parisiennes 5 350 Français et 2 430 étrangers ; soit un mouvement de 7 780 personnes. En un mois — du 1er au 31 mai — les arrivées constatées accusaient un chiffre de 139 000 personnes, dont 101 000 Français et 38 000 étrangers. Enfin, dans tout le cours de l’année dernière, les entrées se seraient élevées à 1 544 000 « voyageurs, » si ce nom n’était pas tout à fait impropre à designer la masse des individus qui couchent dans un lit dont ils ne sont pas propriétaires.

En effet, dans ce million et demi de nomades, il y a 529 000 Français, venant de Paris. Ces Parisiens qui passent ainsi d’un hôtel à l’autre sont, pour la plupart, des malheureux gîtant à la nuit, moyennant 0 fr. 30, en des galetas pitoyables, en des chambrées où les couchettes s’alignent côte à côte. C’est pour eux que sont faits les règlemens de police défendant de placer un lit dans un local cubant moins de 14 mètres.

Sur le million qui représente les hôtes venus du dehors, 650 000 sont des provinciaux ou soi-disant tels ; car l’article 154 du Code pénal, qui punit l’hôtelier coupable d’inscrire sciemment un voyageur sous un faux nom, ne saurait lui prescrire de vérifier l’identité des gens qu’il abrite chaque soir sous son toit. Il ne manque point, dans une cité populeuse, de ces refuges temporaires qu’un vaudeville intitulait « hôtels du libre-échange, » où des Parisiens authentiques se donnent pour habitans d’un département éloigné. Telle grande hôtellerie du centre, où les entrées atteignent l’effectif annuel de 55 000 individus des deux sexes, réserve le même accueil aux couples qui s’installent pour trois mois et à ceux qui n’y passent que deux heures.

L’affluence de ces derniers, pour fructueuse qu’elle soit, est cependant préjudiciable aux maisons trop indulgentes qui ne savent pas s’en garantir. Cette source de gain tarit les autres, en écartant la clientèle sérieuse. Et, faute de pouvoir exiger, des arrivans, la production d’un acte de mariage en règle, les hôtels soucieux de leur bonne renommée ne reçoivent pas ceux qui se