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n’eut à payer ni sa façade, ni son terrain, compris pour 10 500 000 francs dans le compte de premier établissement de la gare. L’Etat, garant du revenu de la compagnie, se félicite de la voir tirer 7 à 8 pour 100 d’intérêt des sommes affectées par elle à cette construction accessoire. Quant aux Magasins du Louvre, locataires et exploitans du Palais d’Orsay, comme ils l’étaient déjà de l’hôtel Terminus, propriété du chemin de fer de l’Ouest, ils trouvent dans ces concessions nouvelles, adjointes à leur commerce principal, une source de bénéfices supplémentaires.

La combinaison parut donc avantageuse à tout le monde, sauf au syndicat des hôteliers parisiens. Ceux-ci, lésés par ce qu’ils estimaient une concurrence abusive au commerce privé, en appelèrent aux tribunaux, qui leur ont donné tort. En pareil cas, les tribunaux de l’ancien régime jugeaient copieusement ; ceux d’aujourd’hui tranchent plus net. Nous avons un arrêt du Parlement de Paris, au XVIIe siècle, rendu dans l’instance introduite par les maîtres-cuisiniers contre les maîtres-rôtisseurs, qui prétendaient vendre toutes espèces de viandes et même entreprendre des banquets, à la condition de s’adjoindre un maître-cuisinier. On permit aux rôtisseurs de servir seulement en leurs boutiques « jusques à trois plats de fricassées, » sans pouvoir « se transporter es salles publiques ni maisons particulières. »

C’étaient aussi des banquets et des fêtes, que prétendaient entreprendre les hôtels bâtis sur les fonds garantis par le Trésor, et que prétendaient leur interdire les hôtels bâtis aux risques et périls des particuliers. La Compagnie des chemins de fer d’Orléans était parfaitement désintéressée dans la querelle ; elle avait prévu l’objection, une clause spéciale du bail portant que, si défense était faite à son locataire de donner des banquets, il en supporterait seul les conséquences et ne pourrait demander aucune diminution de loyer.

Or, les banquets et les fêtes fournissent aux grandes hôtelleries un appoint sérieux de recettes : l’usage, pendant un soir, de leurs salles illuminées, décorées et servies par un personnel spécial, se paie, suivant l’espace offert et l’élégance du lieu, depuis 3 100 francs au Continental jusqu’à 700 francs au Palais d’Orsay. Le produit, de 4 à 600 000 francs, que chacun de ces établissemens en retire, était un objet intéressant de litige. L’une des parties faisait valoir que ces fêtes « rendaient plus facile et plus agréable l’arrivée de groupes nombreux de cliens, désireux