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« sur quoi, raconte-t-elle, nous avons tous couché sans nous déshabiller. » Ces contrastes entre les hôtelleries n’ont pas de quoi nous surprendre ; nous les trouverions tout pareils dans le temps présent, d’une ville à l’autre, et parfois à quelques lieues de distance.

Le coût des voyages, au commencement du XVIIe siècle, se composait surtout des frais d’hôtel et de la location du cheval de selle, qui constituait le véhicule à peu près unique. Le gouvernement voulait-il suspendre, par mesure politique, toute communication dans le royaume, il lui suffisait d’envoyer défense à toutes les postes de « donner des chevaux sans billet, » c’est-à-dire sans une permission écrite des autorités. Rossés de coups, les flancs labourés de coups d’éperon, maltraités de toutes manières, les premiers chevaux de poste, — l’invention était récente alors, — fournissaient, sous Henri IV et Louis XIII, un bien mauvais service. Les coches venaient à peine de naître et ne marchaient pas régulièrement ; mieux valait partir en caravane « avec le messager ; » c’était le système le plus pratique, « pour l’adresse des chemins, pour les voleurs aussi bien que pour l’épargne, n’étant point sujet ainsi aux rançonnemens des hôtes, ni aux soins des chevaux. » Bien qu’il fût interdit aux messagers de « mener avec eux plus de trois personnes, prises aux lieux de leur parlement ou par rencontre, » leur intérêt était d’accueillir tous les cliens qui se présentaient, auxquels ils fournissaient à forfait le cheval et les frais d’auberge. De Paris à Lyon, il en coûtait, par cette voie, 225 francs de notre monnaie, en 1630, plus 25 francs pour 50 livres de bardes. Pour ce trajet, le coche demandait 95 francs par place et 38 francs pour le même poids de bagage ; mais il fallait payer en outre les notes d’hôtel, ce qui revenait au même : un voyageur ne dépensait pas moins de 10 francs par jour dans les auberges, et l’on mettait une dizaine de jours de Paris à Lyon, en marchant à la vitesse moyenne de treize lieues par jour.

Le messager ne mettait que huit jours ; sa compagnie convenait donc aux gens pressés, point à ceux qui voyageaient « par plaisir et curiosité ; puisqu’on ne peut rien voir des lieux où l’on séjourne, n’arrivant qu’à la nuit et partant devant le jour ; outre la fatigue qu’apportent ces longues traites. » Partie de Paris à onze heures du matin, une troupe de ce genre s’arrête à trois heures après minuit à Milly-en-Gâtinais, après avoir chevauché