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aucune valeur comme penseur, comme moraliste, comme philosophe, comme écrivain, — c’est nous qui soulignons, — puisse être un homme de premier ordre comme auteur dramatique ? » Ce serait une explication ; et le théâtre de Scribe ou celui de Labiche, à cet égard, ne nous en donnerait pas le démenti. Mais ce qui est encore plus vrai, c’est que, l’industrie dramatique subordonnant nécessairement la question d’art à... d’autres, peu d’auteurs ont le courage de sacrifier le succès d’un jour à la réalisation d’un idéal littéraire. Ce courage, l’auteur du Dédale est au premier rang de ceux qui l’ont parmi nous ; il le doit à la préoccupation d’art dont son œuvre est l’éloquent, décisif et un peu hautain témoignage ; et quand cette préoccupation d’art l’incite à faire revivre, de toutes les formes dramatiques, celle qui peut-être a le plus honoré le théâtre français, voilà pourquoi nous souhaitons ardemment qu’il y réussisse, et qu’il nous rende, avec les moyens d’aujourd’hui, la tragédie d’autrefois. L’objet de cet article n’était que de montrer qu’un semblable dessein n’a rien de chimérique ; et que déjà l’auteur des Tenailles, de la Loi de l’homme, de la Course du flambeau, de l’Énigme, et du Dédale, peut se flatter, sans présomption, de l’avoir en quatre pas plus d’à moitié réalisé.


FERDINAND BRUNETIERE.