d’autant plus vraiment artiste que plus profondément pieux. Et si, de pieux, il pouvait devenir saint ; de converti, apôtre ; et d’apôtre, thaumaturge, quelles merveilles d’art, alors, ne pourrait-il enfanter ? Un pâtre, du nom d’Andréas Achtermann, s’en fut à Rome, sur le tard, pour manier l’ébauchoir ; il y fit des conversions, puis fut réputé, même, faire des miracles : comment la Descente de Croix dont il orna la cathédrale de Münster ne serait-elle pas un miracle d’expression ?
« Seule, la prière ininterrompue du cœur, écrivait Overbeck, est capable de maintenir l’enthousiasme de l’artiste ; seule, une vie réglée, pure, irréprochable, lui donne cette paix de l’esprit et du cœur, absolument nécessaire pour produire des œuvres vraiment pures. » Ainsi l’art devenait une méditation, une mystique jouissance succédant à de mystiques renoncemens, et les couronnant. Il ne cherchait plus à traduire ni à susciter des sensations ; il aspirait à ne plus compter avec la matière, avec cette matière même dont pourtant il avait besoin. Arrière donc, et pour toujours, ces artistes luxurians et luxurieux, qui courtisaient l’opulence ou les morbidesses de la chair ! « Art chrétien, expliquait Overbeck, ne veut rien dire autre chose que l’expression pleine et appropriée, par les formes, les couleurs ou les tons, d’une foi vivante, dont l’artiste doit être rempli ; et le but de l’art chrétien ne peut être que d’éveiller ou d’entretenir cette foi chez d’autres, ou de gagner des cœurs à la vérité par la beauté. »
Une oraison au point de départ, une apologétique au point d’arrivée ; ainsi se résumait cette conception nouvelle. L’art devenait « une harpe de David, sur laquelle Overbeck voulait chaque jour entonner des psaumes à la louange du Seigneur. » Gœthe, en 1814, saluait avec quelque bienveillance cet effort des Nazaréens ; et puis il les traita de « bigots, » de « fanatiques. » Mais les Nazaréens laissaient dire ; ils professaient, avec le romantique Zacharias Werner, qu’« art et religion sont synonymes... » Il advenait, parfois, que dans ce Caffe Greco où s’attardaient de temps à autre leurs sobres libations, quelque visiteur leur apportât des théories qui leur paraissaient des blasphèmes. Schopenhauer, un jour, leur vint développer cette idée, que le cercle des dieux de l’Olympe, grâce à son infinie variété, était pour les artistes le meilleur des cénacles, puisqu’en gardant sous les yeux des modèles aussi divers, et d’une physionomie aussi nettement