baignaient. Emilie Linder n’était-elle pas déjà catholique en son for intime, lorsqu’en 1825, elle avisait à la restauration du petit cloître allemand d’Assise, et s’efforçait ainsi de mettre l’âme germanique en prières, sur un coin de terre où la beauté est comme une fleur de piété ?
Un sculpteur de méchante langue, du nom de Wagner, avait, par dérision, affublé Overbeck et ses premiers élèves du sobriquet de Nazaréens : l’appellation leur est restée. Ils n’étaient point, d’ailleurs, gens à en rougir ; et cette épigramme d’atelier leur fût plutôt apparue comme une définition imagée, mais exacte, de leur tempérament et de leur doctrine.
« Parmi les chrétiens, exercé par des chrétiens, l’art ne peut être conçu que comme chrétien. » Cette maxime, qui résume la pensée d’Overbeck, fut une grande ouvrière de nouveautés. Elle modifiait tout ensemble les sujets de tableaux, la technique de l’art, les âmes mêmes des artistes. Une semence païenne ne peut produire une moisson chrétienne ; donc il fallait, avec mépris, laisser le paganisme en sa tombe et se garder de lui rendre une vie posthume par les prodiges de l’art : les dieux d’antan, qui n’avaient cessé d’être propriétaires de l’Olympe que pour devenir locataires des ateliers de peintres, devaient recevoir leur congé. La technique des anciens, elle, méritait peut-être plus de respect : on en pouvait tirer profit, « ainsi que firent les enfans d’Israël lorsqu’ils dérobèrent à l’Egypte les vases précieux pour les affecter au service du vrai Dieu ; » mais l’emploi du nu dans l’art devait être proscrit ; et, comme de simples dieux de l’Olympe, les modèles, à leur tour, étaient mis à la porte des ateliers. Le vide, ainsi, semblait s’y faire ; mais qu’importaient ces émigrations successives, puisqu’il restait, dans ces laboratoires du beau, ainsi transformés en cellules désertes, quelques âmes d’artistes, et puisque l’art nouveau devait être l’émanation de ces âmes et le resplendissement de leur propre sainteté ? En vain le sénateur Overbeck avertissait-il son fils de « peindre de la chair. » Frédéric était une âme qui voulait, avec le pinceau, incarner aussi immatériellement que possible les âmes du paradis. Enfin la vie même des artistes devait changer : le vieil homme, eu eux, était indigne de manier la palette ; il fallait qu’un homme nouveau se créât, et que cet homme nouveau, dans la lutte interne et quotidienne contre les puissances du Mal, fût sans cesse vainqueur : à ce prix, il demeurerait artiste, et