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que sur ces données incertaines, nous ne dirons que peu de chose.

S’il est vrai que le gouvernement japonais ait fait des observations au « gouvernement russe au sujet de sa situation en Mandchourie, c’est probablement parce qu’il a voulu se donner une entrée de jeu pour parler de la situation qu’il désire avoir lui-même en Corée. Nous l’avons dit souvent : depuis que la Russie a fait de Port-Arthur le principal débouché de son chemin de fer transsibérien, elle n’a plus les mêmes intérêts en Corée et elle peut se montrer plus coulante à l’égard de ceux du Japon. Cependant il est naturel qu’elle désire avoir certaines garanties au sujet d’un territoire qui, par sa configuration géographique, peut servir à fermer l’accès du golfe de Petchili, et il est à croire que c’est sur ces garanties qu’on discute. Nous n’avons pas à en rechercher la nature : il faut évidemment qu’elles soient sérieuses et efficaces en ce qui concerne la Russie, sans avoir rien de vexatoire ou de menaçant pour le Japon. Le problème est délicat, mais non pas insoluble. Est-il vrai que la Russie ail demandé à occuper deux points, Masampho et Mokpo, au sud de la Corée ? Est-il vrai qu’elle ait revendiqué, non seulement les droits commerciaux qu’auraient les autres puissances en Corée, mais une liberté absolue ? On le saura un jour ; on n’en sait rien encore. Il y a seulement lieu de croire que c’est bien sur des questions de cet ordre qu’on cherche à s’entendre. Les dernières nouvelles sont que, des troubles ayant éclaté en Corée dans les environs de la capitale, le gouvernement russe ne s’oppose pas à ce que le Japon envoie des troupes pour rétablir l’ordre. La nouvelle ne peut être reproduite que sous les plus expresses réserves ; mais, si elle est vraie, le gouvernement russe donne par là une preuve aussi éclatante de ses dispositions conciliantes à l’égard du Japon que celui-ci a pu en donner des siennes par la dissolution de la Chambre des représentans à Tokio. Et dès lors, quelque incertitude qui reste sur l’avenir, il est permis départager les espérances pacifiques que M. Delcassé n’a pas hésité à exprimer dans un discours public, avec l’autorité de sa situation.


FRANCIS CHARMES


Le Directeur-Gérant,

F. BRUNETIÈRE.