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ayant soin de faire remarquer que, s’il ne prononçait pas tout de suite la même exclusion contre les prêtres séculiers et si sur ce point il restait en deçà de M. Girard, il allait d’autre part fort au delà en étendant l’interdiction d’enseigner à tous les ordres d’enseignement : primaire, secondaire et supérieur. L’amendement Girard ne s’appliquait qu’à l’enseignement secondaire, le seul qui était en discussion avec la loi Chaumié. Donc, si l’on perdait d’un côté, on gagnait de l’autre, et M. Combes n’a pas eu de peine à faire entendre qu’on gagnait beaucoup.

Les laïcisateurs à outrance gagnaient en effet beaucoup, et plus même peut-être qu’ils n’auraient osé espérer. L’amendement Girard, ne s’appliquant qu’à l’enseignement secondaire, ne pouvait pas avoir de grandes conséquences, puisqu’il y a peu de prêtres séculiers qui s’adonnent à l’enseignement secondaire et que toutes les congrégations qui le faisaient avaient déjà été dissoutes. Mais il n’en est pas de même dans l’enseignement primaire. Il y a là, encore aujourd’hui, un nombre considérable d’établissemens congréganistes, et l’espérance de les frapper tous d’un seul coup devait flatter les imaginations de nos libres penseurs. On verra effectivement bientôt qu’il s’agit d’un vrai massacre. Mais pourquoi M. le président du Conseil a-t-il déposé son projet de loi à la Chambre et non pas au Sénat ? Il y avait là une réelle injustice, presque une ingratitude : n’est-ce pas au milieu d’une discussion du Sénat qu’avait poussé du soir au matin ce champignon malsain ? Le budget étant voté à la fin de l’année, le Sénat n’aura pas grand’chose à faire dans la session prochaine, tandis que la Chambre a beaucoup de projets de loi dont la discussion est prête. Faut-il croire que M. le président du Conseil redoute cette discussion et qu’il ait voulu l’écarter, ou l’ajourner ? Faut-il croire qu’il aime mieux maintenir la Chambre sur le terrain anticlérical que de la laisser vagabonder sur le terrain social ou financier ? C’est bien possible. Le fait, en tout cas, méritait d’être signalé : il est conforme à la politique que nous avons indiquée plus haut, et qui consiste à occuper le tapis le plus longtemps et le plus exclusivement possible avec la question religieuse et ses succédanés.

Une fois de plus, nous voilà bien loin de la loi de 1901. Cette loi, en obligeant toutes les congrégations religieuses non autorisées à demander à l’être, avait eu une double intention : d’abord, de consacrer l’existence des congrégations autorisées ; ensuite, d’en autoriser un certain nombre d’autres. Sur ce second point, on sait ce qui est arrivé : les autorisations sollicitées par des congrégations d’hommes ont été