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qui entourent la cathode d’un tube à oxygène et azote. Mais cet accord ne porte pas sur toutes les raies. L’identification n’est que partielle entre le spectre des aurores et celui que l’on obtient en faisant passer des décharges électriques à travers l’air raréfié. On a cherché la cause de ces divergences : elle est fort simple. C’est que dans son laboratoire le physicien opère sur l’air pris à la surface du sol, tandis que le météore auroral opère sur l’air des couches supérieures de l’atmosphère. Et ces deux gaz sont fort différens : leur composition n’est pas du tout la même.

A mesure que l’on s’élève en hauteur, la masse atmosphérique, en même temps qu’elle se raréfie, se refroidit. Au niveau du sol, c’est un mélange où dominent l’oxygène, l’azote, la vapeur d’eau, l’acide carbonique, et où existent en faibles proportions l’argon, le crypton, le néon et, en quantités plus minimes encore, l’hydrogène, l’hélium et le groupe des gaz plus volatils. Les proportions de ce mélange, brassé par les vents, restent constantes dans le voisinage du sol, et jusqu’à une altitude de 15 kilomètres. Mais le refroidissement ne permet pas à cette fixité de se maintenir plus haut. C’est d’abord la vapeur d’eau qui disparaît. Moins volatile que les autres élémens, elle se condense la première : elle se dépose en neige sur les montagnes, ou circule à l’état de nuages. Mais la zone des nuages est très basse et c’est un ciel toujours radieux que l’on trouve au delà. C’est ensuite l’acide carbonique qui disparaît : à 00 kilomètres vers le zénith, ce gaz n’existe déjà plus en quantité sensible. Puis, c’est le tour de l’azote et de l’oxygène. D’après J. Dewar, à 75 kilomètres il est vraisemblable que la température tombe au voisinage de 132° au-dessous de zéro et que l’azote et l’oxygène, réduits, font place à l’hydrogène et aux gaz moins liquéfiables de la série de l’hélium dont on soupçonne l’existence, tels que le coronium et le nébulium.

La décharge électrique dans l’air supérieur ne peut donc pas avoir les mêmes effets que dans l’air inférieur. Les spectres changent avec la composition du milieu. Mais celle-ci même restant fixe, ils changent encore avec les conditions et, par exemple, avec le degré du vide. Dans l’air atmosphérique normal, lorsque la pression tombe à un dixième de millimètre, Moissan et Deslandres ont vu les lignes de l’azote et de l’oxygène s’éteindre et faire place à celles de l’argon et des gaz volatils.