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tout, à les regarder de près chez ceux de leurs adeptes qui sont comme lui des hommes de valeur et de bonne volonté, ces tendances particularistes, souvent choquantes par leur exclusivisme tranchant, ne sont guère autre chose qu’un déguisement à la mode du jour de l’antique et universel effort moral qui se poursuit dans le sein de l’humanité progressive. C’est le vocabulaire de l’ethnologie gobinienne ou wagnérienne, appliqué aux conceptions du kantisme et de la morale rationnelle en général.

Le plus récent biographe de Gobineau en Allemagne, le docteur Kretzer, qui connaît et apprécie les Assises du XIXe siècle, autant que l’Essai sur l’inégalité des races, présente sous une forme singulière les conclusions qu’il a tirées de ses lectures historiques. On assiste actuellement, dit-il, à un regrettable recul des institutions et des notions aryennes en Europe ; les peuples latins subissent la dégénérescence nègre, sensuelle et fétichiste ; les nations anglo-saxonnes sont la proie d’une régression jaune, matérialiste et utilitaire. Le véritable Aryen possède seul le culte de la liberté corrigée par la notion de l’honneur et c’est donc là l’étiquette ethnique que devrait se réserver l’Allemagne en adoptant cette règle de conduite toute kantienne dans sa formule : « Rends vainqueur, en toi et autour de toi, l’Aryen. »

Pour notre part, nous préciserions de la sorte l’allégorie qui nous est offerte ici : chacun de nous loge en soi un Aryen (c’est l’homme social parfait), un nègre (c’est la passion aveugle) et un jaune (c’est l’égoïsme dépourvu de larges horizons). Il s’agit de faire triompher, dans ce trio, le généreux Aryen, afin de préparer le progrès sans recul et le bonheur des générations à venir, d’assurer la victoire de cet ange gardien, qui est la race pure, sur ces démons tentateurs, à faces diversement colorées, dont la voix nous conduit au mal. Or, c’est là précisément le conseil qui est inscrit, en termes exprès, dans les premières pages des Assises du XIXe siècle et qui en inspire la morale tout entière. Si, arrêtant nos regards sur la seule Europe, au lieu d’embrasser comme Gobineau l’humanité entière dans notre allégorie ethnique, nous écrivions dans le schéma tracé par le docteur Kretzer : Chaos des peuples au lieu de latinité noire, Juif au lieu de Yankee jaune, Germain au lieu d’Allemand aryen, nous aurions le résumé de la discussion religieuse de M. Chamberlain. Il proclame.