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Il y a un va-et-vient continuel devant ce petit café, au déclin du jour : personnages de toute qualité qui rentrent de la campagne, nobles cavaliers sur des chevaux fringans, bons petits bourgeois sur des mulets tout garnis de franges, ou sur de plus modestes ânons. Passent aussi les lents chameaux qui arrivent de Yezd, de Kerman, du désert oriental. Les kalyans s’allument de tous côtés autour de nous, et nos voisins de rêverie, assis sous le même platane, se décident gentiment à causer. L’un d’eux, auquel je conte alors ma course aux mosquées, s’engage à me les montrer toutes demain soir, en me faisant faire une excursion sur les toits de la ville, qui constituent, à ce qu’il paraît, un promenoir très bien fréquenté, le seul d’où l’on ait une vue d’ensemble.

Tranquillement le jour s’en va, et le crépuscule ramène par degrés sa tristesse sur ce haut plateau si isolé du monde. Les couleurs s’éteignent au revêtement d’émail de la belle mosquée d’en face ; les faïences dont elle est couverte représentent des profusions de roses, des branches de roses, des buissons de roses, que traversent quelques iris à longues tiges ; mais tout cela maintenant se confond en un violet adorable, et le dôme seul brille encore. Dans l’air presque trop pur, les martinets noirs tourbillonnent en jetant des cris aigus, comme chez nous les soirs de printemps : le soleil à peine couché, tout à coup il fait froid, à cause de l’altitude.

Par les petites ruelles déjà ténébreuses, semées de puits et d’oubliettes, rentrons chez nous.

Là, une fois la porte barrée, c’est l’enfermement, la solitude, le silence d’un cloître. Et les chouettes commencent de chanter.


Vendredi 27. — Dig ding dong, dig ding dong, drelin, drelin. ... L’entrée des caravanes !... Le carillon, qui est ici la musique habituelle de l’aube, me réveille encore à moitié cette fois ; demain sans doute j’y serai fait, comme les gens de Chiraz, et ne l’entendrai plus.

Vendredi aujourd’hui, c’est-à-dire dimanche à la musulmane ; donc, rien à tenter pour l’organisation du départ, et tout sera fermé.

Un incident de cette matinée vient prendre de l’importance dans notre vie austère : mon serviteur m’annonce que, sur un toit de la maison proche, un toit en terrasse où nous n’avions