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de l’aryanisme religieux, pour le point sympathique dans la personnalité de saint Augustin, son plus ingénieux analyste, pour le trait germanique par excellence dans le jansénisme, qui en montre tant d’autres d’ailleurs. À ce titre, elle sera conservée, sous des noms différens dans le christianisme de l’avenir, et la Régénération de Wagner apparaissait déjà comme une simple transposition de ce concept à M. Chamberlain[1] lors de sa collaboration à la Revue de Bayreuth. Ne pourrait-on d’ailleurs, dès qu’elle est exagérée, rapprocher l’idée de grâce de tous les phénomènes pseudo-extatiques du mysticisme à travers les âges ?

De telles tendances ne sont pas sans danger, ainsi que l’a prouvé mainte expérience dans le passé. Faut-il prétendre cependant que, à soutenir la foi contre les œuvres, on mériterait de tomber sous le coup du code criminel, ainsi que l’écrivait jadis ce Méditerranéen de Stendhal, à propos des protestans des Cévennes ? M. Chamberlain échapperait en tous cas à ce sort rigoureux, car il ne professe pas l’indifférence des actes chez le régénéré par la foi, ou même, comme l’ont fait quelques égarés, la recherche de l’humiliation méritoire par la pratique voulue du péché : ces aberrations sont loin de sa pensée. Les bonnes œuvres, dit-il[2], sont le fruit commun de toutes les religions : le problème qui se pose devant un réformateur religieux, c’est de décider si nous exécuterons plus sûrement le bien par l’impulsion d’un ferme propos d’ensemble, formé une fois pour toutes, sous le coup de l’émotion métaphysique, par la grâce d’une conversion en un mot ; ou bien par l’action stimulante de petites tentatives calculées et additionnées entre elles à la fin du jour, ainsi qu’on règle un compte de commerce ; cette dernière doctrine étant celle que ses adversaires prêtent à la Compagnie de Jésus. Nous l’avons dit, les esprits pratiques, les politiques pencheront pour le second procédé : les enthousiastes, les cœurs chaleureux inclinent vers le premier. Adhuc sub judice lis est !

Il ne resterait donc guère à trancher entre la foi et les œuvres qu’un simple différend de préséance. Le pas doit-il appartenir à la casuistique morale ou au sentiment religieux dans l’effort de l’humanité vers le mieux ? Pour sa part, M. Chamberlain n’hésite pas entre ces deux mobiles et la morale est mise au second rang

  1. Voir l’article de M. H. S. Chamberlain dans les Bayreuther Blaetter de juin 1895.
  2. Page 625.