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avaient franchi la porte de Toung-Pien-Men, c’est-à-dire étaient entrés dans Pékin, dans la même journée que les autres alliés, — le 14 août, avant minuit.

Enfin, ce qui est une assertion matériellement inexacte, ce n’est point quinze heures après les mitres troupes alliées que les troupes françaises pénétrèrent dans le quartier des Légations. Quelques heures seulement après l’arrivée des premiers détachemens russes et japonais, — le reste de ces contingens ne devant entrer dans Pékin que le lendemain, — nos troupes étaient établies devant la porte Ha-Ta-Men, à proximité et presque en face des Légations et, vers quatre heures du matin, c’est-à-dire, huit heures environ après les premières troupes russes, et deux à trois heures, seulement, après les bataillons du général japonais Manabé, qui avaient suivi le haut des remparts, le corps français s’engageait lui-même dans la rue des Légations.

Ce sont là, sans doute, de petits faits, sans grande importance, et d’ordre sentimental plus encore, peut-être, que d’ordre militaire ; mais, pour des considérations qui n’échapperont à personne, leur mise au point a paru nécessaire.

Pour continuer le récit de cet épisode qui empruntait, aux circonstances à la fois graves et singulières au milieu desquelles il se déroulait, un intérêt si saisissant, nous laissons, pour quelques instans, la parole à l’un des jeunes acteurs de cette randonnée nocturne : la vivacité des impressions qu’il en a rapportées prouve que, si le corps était à bout de forces, l’esprit et le cœur restaient toujours en éveil.

« Nous repartons, tout rêveurs, sur nos chevaux qui ont la plus grande peine à marcher. En route donc pour le camp russe ! Nos guides ne paraissent pas très bien connaître le chemin ; un des soldats japonais se trouve mal ; on le laisse avec un de ses camarades qui le ramènera à son camp. Nous étions en marche depuis une demi-heure environ, lorsque, en arrière, sur notre droite, deux fortes détonations se firent entendre : nous présumâmes qu’elles provenaient de l’explosion des charges de dynamite au moyen desquelles les Japonais s’étaient proposé de renverser Tchi-Koua-Men.

« Enfin, après bien des détours, nous tombons, vers neuf heures, sur un poste russe. Le capitaine, dès que notre arrivée lui est signalée, se porte au-devant de nous ; il nous offre un peu de raisin qui nous paraît d’une fraîcheur et d’une saveur