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contingent américain est portée en avant. Dans un échange rapide d’observations et de renseignemens qu’il fait, à cheval, avec le général Chaffee, le général Frey croit deviner chez cet officier général la crainte de voir les troupes françaises continuer leur mouvement pour tenter d’entrer les premières dans Pékin ; il lui donne l’assurance formelle qu’il n’a nullement le dessein de chercher à enfreindre les conventions arrêtées la veille ; qu’il va passer sur la rive nord du canal et que, respectant scrupuleusement ces dernières, il ne poussera pas plus loin dans la direction de Pékin jusqu’à la décision qui sera prise dans la conférence des généraux qui doit avoir lieu dans l’après-midi. Il prie en même temps le général américain de lui faire connaître quelles sont, de son côté, ses intentions. Le général Chaffee déclara qu’il allait occuper, avec ses troupes, le petit village du barrage, et que, suivant les conventions que le général venait de lui rappeler, il bornerait là ses opérations pour la journée.

De neuf heures à dix heures, le passage du barrage s’effectue, non sans les plus grandes difficultés pour l’artillerie. Le commandant Feldmann est cantonné avec deux compagnies, dans le village, avec ordre de conserver la liaison avec le contingent américain : le reste des troupes bivouaque sur l’autre rive, moins la batterie de campagne, qui est laissée avec une compagnie, sur la rive sud. Du haut du toit d’une pagode, l’on pouvait apercevoir, par une échappée au milieu des arbres, très nombreux dans cette région, quelques mètres des murailles de la Ville tartare, qui se profilaient, comme barrant l’horizon, à une distance d’environ 2 500 mètres.

Dans la nuit, vers deux heures du matin, pendant que la colonne française était en marche de Tong-Tchéou sur Pékin, une fusillade très vive, entremêlée de coups de canon, s’était fait entendre, en avant, dans le lointain, dans la direction de la capitale chinoise ; elle continua, avec de très longues interruptions, jusqu’à dix heures et demie ou onze heures environ du matin, puis cessa complètement. Étant données les conventions de la veille, et ce qui avait transpiré du résultat des reconnaissances des différens contingens qui avaient signalé que la route de Pékin était libre, il paraissait inadmissible que cette fusillade et cette canonnade indiquassent d’ores et déjà une action engagée par des corps alliés contre les défenseurs de la capitale. C’était