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droit, parmi les peuples civilisés, des voix s’élèvent sans répit pour stigmatiser, à cette occasion, avec toute l’indignation dont elles sont capables, les destructions, les violences inutiles et l’abus brutal ou cruel de la force sous toutes ses formes. De leur côté, les chefs qui ont la mission de donner aux soldats qu’ils conduisent au feu l’exemple de la bravoure et du mépris de la mort, savent aussi qu’il leur incombe d’autres devoirs, et que l’une de leurs principales préoccupations, dans la victoire, doit être de veiller à réprimer les instincts bestiaux ou sanguinaires qui sommeillent au fond de l’âme humaine, et que peuvent réveiller l’excitation d’un combat acharné ou le spectacle, le simple récit même, de quelques-unes de ces atrocités, dont les Orientaux sont coutumiers, commises sur des Européens ou sur des camarades tombés entre leurs mains. Dans cette campagne de Chine, autant que cela a été en son pouvoir, le commandement n’a jamais failli à ce devoir, et par leur attitude, par leur modération, par les ordres répétés prescrivant le respect des propriétés privées, recommandant la générosité et la clémence envers les vaincus, les officiers français ont prouvé qu’ils avaient conscience de sa haute portée morale.

Et, en effet, grâce à ces dispositions, la discipline a pu être toujours maintenue dans des conditions satisfaisantes. Que, dans quelques circonstances, par exemple dans les premiers momens qui suivirent les prises d’assaut de certaines localités, comme à Tien-Tsin, comme dans certains quartiers de Pékin, quelques excès aient pu être commis par des groupes dispersés, aux prises encore avec l’ennemi et sur lesquels l’autorité perd momentanément son action directe ; que quelques Chinois en fuite, pris pour des Boxers, aient été passés au fil de l’épée ; que quelques déprédations aient été commises dans des maisons abandonnées, il serait puéril d’y contredire : l’excitation du combat, la nécessité de mettre l’ennemi rapidement hors d’état de nuire, pour s’assurer le succès, suffisent à expliquer ces excès. La liste serait autrement longue de faits plus répréhensibles, accomplis froidement, systématiquement, que l’on pourrait relever à la charge du vainqueur, dans chacune de ces guerres entreprises entre les nations qui ont la prétention de marcher à la tête de la civilisation.

Sans doute, dans cette multitude hétérogène d’une centaine de mille de soldats ou coolies appartenant à huit nationalités qui n’ont ni les mêmes sentimens ni les mêmes mœurs, et que les Puissances