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rares portes qui pouvaient donner accès dans l’intérieur de la place. Cependant, le seul fait de la présence, dans la ville, de ce groupe d’assiégés, si peu nombreux qu’il fût, occupant, sur ce monumental rempart qui divise Pékin en deux immenses cités, un point, une brèche en quelque sorte, par laquelle celui-ci était susceptible de pouvoir donner la main aux assaillans, constituait, pour les Chinois, une cause très grande de faiblesse, un réel danger qui eût dû, davantage encore, les pousser à tenter la fortune des armes, hors de la zone d’action possible de ce petit groupe, en réservant, pour la défense même de la place, le suprême effort.

Il fut loin d’en être ainsi, et l’armée chinoise chargée de la défense de Pékin, forte d’une trentaine de mille hommes, composée en majeure partie de Mandchous, de soldats musulmans des corps de Tong-Fuh-Sian, et de Boxeurs, et de quelques unités seulement des troupes de Tien-Tsin et de Peitzang, dont la plus grande partie se reformait sur différens points du Pé-tchi-li, attendant l’ordre de leur Gouvernement de reprendre la lutte, semble avoir eu pour principale préoccupation de concentrer tous ses moyens pour chercher à interdire aux Alliés l’entrée de la Cité Impériale et celle du Palais Impérial, et pour protéger la fuite de la Cour, opérations dont le succès devait, sans doute, sauvegarder, à ses yeux, les plus grands intérêts dynastiques et nationaux en jeu.

Pour tout dire, il faut rappeler que des négociations étaient engagées depuis une vingtaine de jours avec les Grandes Puissances par Li-Hung-Chang, certainement avec l’entière approbation de la Cour, — avec laquelle ce haut mandarin était resté en communications suivies, par Shang-Haï, — en vue d’obtenir que l’armée alliée ne dépassât point Tong-Tchéou. De cette localité, un détachement international devait se rendre sous les murs de Pékin, ou même dans l’intérieur de la capitale, pour recueillir les Ministres, le personnel des Légations et, en général, les Européens et les escorter jusqu’à Tien-Tsin. Ces propositions étaient examinées non sans quelque bienveillance par certaines Puissances[1] ; quelques-unes de ces dernières acceptaient même volontiers

  1. Numéros 188, 239, 246 et 250 du Livre Jaune, de 1900-1901.
    Le 23 juillet, le président Mac-Kinley, notamment, écrivait à l’Empereur de Chine de se mettre en communication avec l’armée internationale de secours, de façon à coopérer avec elle à la délivrance des Légations, à la protection des étrangers et au l’établissement de l’ordre.