Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 19.djvu/106

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


A Guillaume Guizot.


Manchester, 15 juillet 1860.

Mon cher Guillaume,

Je viens de passer un mois à Londres de la manière la plus agréable et la plus utile, grâce aux lettres de M. Guizot, de Cornélis, et aux vôtres. M. Clark[1] surtout a été admirable pour moi ; il m’a plu infiniment, et, si je veux l’en croire, je ne lui ai pas déplu. Il veut que j’aille le retrouver en Écosse. M. Milman[2] et M. Stanley m’ont montré Oxford, et m’ont donné tous les renseignemens possibles sur l’Université et la théologie. M. Milnes[3] m’a patronné, et piloté ensuite, depuis le Parlement et la maison de lord Palmerston jusqu’aux Ragged schools. J’ai lu, j’ai regardé, j’ai écouté de mon mieux ; j’ai vu la Chambre des lords et la Chambre des communes, Harrow-school et Eton, des prisons et des hôpitaux, des meetings religieux et charitables, des salons bourgeois et aristocratiques, des presbytères et des musées, des clubs et des bibliothèques, quatre ou cinq villages et villes aux environs de Londres, toutes sortes de gens et surtout des gens distingués. Je vous dois tout cela, mon cher ami, et je vous remercie sans compter.

Je ne vous parlerai guère de mes conclusions ; je laisse mes idées au fond de ma mémoire, se clarifier, déposer et cristalliser. J’ai tenu un petit journal, que vous feuilleterez, si cela vous amuse, plein d’impressions prises à la volée. En ce moment, je suis à Manchester où l’un de mes camarades[4] me montre les classes ouvrières. Tout ce que je vous dirai, c’est que j’ai pris de l’estime pour la littérature et les renseignemens qu’elle peut donner ; il me semble que les jugemens qu’elle me suggérait à Paris n’étaient point faux ; la vue des choses n’a point démenti les prévisions du cabinet ; elle les a confirmées, précisées, développées ; mais les formules générales restent, à mon avis, entièrement vraies. J’en conclus que les opinions que nous pouvons nous former sur la Grèce et la Rome antiques, sur l’Italie, l’Espagne et l’Angleterre de la Renaissance, sont exactes, et qu’un

  1. Sir John Clark, ancien diplomate, fils de sir James Clark, médecin de la reine Victoria.
  2. Miiman (Le dean Henry-Hart), littérateur, 1791-1868.
  3. Milnes Richard-Monckton), poète et homme politique, 1809-1885.
  4. Son cousin, M. Aimé Seillière.