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vitalité plus longue que ses prédécesseurs, l’expérience seule le prouvera.

Si on demande, non pas pourquoi, mais à quelle occasion et sous quel prétexte apparent M. Villaverde a donné sa démission, cette curiosité, un peu vaine peut-être, est d’ailleurs facile à satisfaire. Un député, M. Dominguez Pascual, avait demandé, dans le cas où le budget ne serait pas voté le 1er janvier, qu’il fût cependant mis à exécution sur les bases arrêtées par le gouvernement et par la commission. Il paraît qu’il y a un précédent. Néanmoins la proposition a été accusée d’être anticonstitutionnelle, et les républicains, avec la connivence des carlistes et même de quelques libéraux, s’apprêtaient à la combattre par un procédé qui, lui aussi, est certainement anticonstitutionnel, c’est-à-dire l’obstruction. Le gouvernement était favorable à la proposition de M. Pascual, et dès lors il aurait dû la soutenir ; mais M. Villaverde est tombé tout d’un coup dans ce découragement, dont son prédécesseur avait déjà été victime, et il est parti sans même livrer bataille. Peut-être y avait-il des dissentimens dans le conseil des ministres. Peut-être M. Villaverde a-t-il senti la désagrégation se faire autour de lui. Peut-être a-t-il craint des défections parmi les siens. Tout cela est même probable, mais explique plus qu’il ne le justifie un acte où il reste difficile de ne pas voir une défaillance : il vaut encore mieux être abandonné que de s’abandonner soi-même. La retraite de M. Villaverde a fait tomber, à la vérité, l’obstruction des républicains. Le budget sera, dit-on, voté dans quelques jours, et la Chambre pourra se reposer pendant les vacances de la Noël. Ce sont là de minces avantages. Il est fâcheux que des partis d’opposition révolutionnaire aient pu mettre un ministère en fuite, sans combat de leur part ni du sien, en se contentant de le menacer de l’obstruction ; et ce précédent n’est pas de nature à faciliter la tâche de M. Maura.

Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
F. Brunetière.