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majorité numériquement moins forte, mais politiquement plus homogène et plus consistante. C’est ce qu’on dit toujours en pareil cas, et il faut bien reconnaître qu’il y a là une part de vérité. Il n’en reste pas moins acquis que la plus grande partie de la Chambre italienne n’a aucun parti pris contre le nouveau ministère, qu’on l’attend à l’œuvre et qu’on lui fait crédit jusqu’à nouvel ordre. C’est tout ce qu’il pouvait désirer et plus peut-être qu’il ne pouvait espérer. Évidemment, lorsqu’il en viendra à l’exécution de son programme, il perdra, soit à gauche, soit au centre et à droite, une partie de ses adhérens conditionnels de la première heure ; mais c’est déjà beaucoup qu’il n’y ait pas contre lui d’hostilité préventive, et qu’il puisse, en somme, perdre un nombre appréciable de voix tout en conservant la majorité.

L’extrême gauche a voté contre lui. Les socialistes, qui ont refusé leur concours à M. Giolitti, lui ont également refusé leurs voix. Cependant il n’a pas cessé de leur faire des avances, et il a donné à entendre qu’il les préférait aux républicains. Quant aux radicaux, ils se sont divisés. Les deux membres du parti auxquels M. Giolitti a offert des portefeuilles sont M. Marcora et M.Succhi : le second a voté contre, mais le premier a voté pour lui. Au centre et à droite, M. Giolitti a eu beaucoup de voix, ce qui tient sans doute à deux causes, à la présence de M. Luzzatti dans le ministère, et à l’absence du divorce au nombre des réformes qu’annonce le programme ministériel. On sait que le divorce figurait dans celui de M. Zanardelli, et même dans le discours de la Couronne. Mais le divorce répugne fortement à la majorité de l’opinion en Italie, surtout dans le Midi, et M. Giolitti a fait sagement en le rayant de son programme, une réforme de ce genre devant se faire accepter par les esprits avant de passer dans la loi et d’être imposée par elle. Le divorce peut attendre.

Le programme ministériel n’est d’ailleurs qu’un programme d’affaires ; mais cela ne veut pas dire qu’il ne pose pas des questions très délicates. La première de toutes est le renouvellement des traités de commerce avec l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et la Suisse. M. Giolitti s’est montré fort désireux d’aboutir. Il s’est déclaré prêt « à diminuer la protection de l’industrie sans toutefois compromettre son existence, et même à réduire dans de notables proportions le droit sur le pétrole. » Au reste, il s’est placé sur le terrain de la stricte réciprocité, comme il est naturel en pareil cas, et a déclaré qu’il traiterait les autres suivant la manière dont il serait traité par eux. Il ne pouvait pas oublier le Midi, qui est très médiocrement industriel et