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LES
LIVRES D’ÉTRENNES

Ainsi qu’il est agréable parfois de marcher, au hasard du chemin, à la découverte, il peut y avoir quelque plaisir à rencontrer, dans cette production annuelle, inégale et illustrée, plus abondante que choisie, plus brillante que solide, quelques œuvres distinguées, de les feuilleter sans dessein arrêté, de s’attacher à la lecture de celles qui intéressent plus particulièrement l’histoire et l’art, le progrès et la science, ou qui, par l’évocation d’une gracieuse féerie, d’une ingénieuse légende, nous transportent dans les régions plus sereines du monde imaginaire. Les parcourir, c’est aussi parcourir un peu notre histoire ; et c’est, avant tout, ce caractère historique, joint à l’originalité, qui fait l’attrait des plus remarquables. M. Frédéric Masson, dont les nombreux ouvrages sur Napoléon et sa famille, sur Joséphine et sur Marie-Louise, forment, dès à présent, un jugement d’ensemble tel que le réclame l’histoire, nous fait assister, dans cette nouvelle étude sur Napoléon et son fils[1], au plus émouvant spectacle qu’ait fourni l’existence de l’homme que l’adversité comme le triomphe a fait plus grand que nature. Le livre s’ouvre aux heures les plus prospères et les plus triomphantes du règne, sur la plus grande espérance et la plus grande joie que l’Empereur avait pu concevoir, et se ferme sur la fin la plus triste qui soit d’une fortune qui paraissait si haute, d’une dynastie qui semblait assurée et qui l’une et l’autre allaient sombrer dans le désastre et la ruine, le fils, après le père, mourant dans l’exil et, comme lui, victime de la tyrannie étrangère. « Il est des souffrances désespérées devant lesquelles l’histoire s’émeut ; il est des vies brisées avant le temps, qui, pour jamais, gardent leur secret ; il est des âmes réfugiées dans le silence qui ne se sont pas manifestées par

  1. Manzi, Joyant et Cie.