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la doctrine germanique de l’avenir. Il nous faut examiner maintenant s’il en est de même pour la religion méditerranéenne, pour la conception du monde dans le Chaos des peuples. A l’avis de l’auteur des Assises du XIXe siècle, cela ne fait aucun doute, car cet amalgame confus de races étrangères les unes aux autres ne pouvait manquer d’exprimer son origine défectueuse, sa mentalité déplorable, son incohérence psychique par son défaut de religion véritable. Et parfois, en effet, nous trouvons M. Chamberlain plus sévère encore aux bâtards méridionaux qu’aux métis orientaux, dans l’évaluation de leur capacité philosophique, ainsi qu’il le fut jadis dans l’appréciation de leurs qualités ethniques. En parlant de la solution kantienne du problème de la liberté, il lui échappera de dire[1] : « Un Juif ne pouvait se poser ce problème ; inutile même de parler de ces balayures humaines, africaines, égyptiennes et autres, qui aidèrent à bâtir l’Eglise chrétienne. » Ou encore, en regrettant la prétendue judaïsation de la doctrine du Christ par saint Paul et la confusion d’idées qui en résulta chez ses disciples gentils : « L’esprit juif accepté dans sa pureté eût été moins pernicieux, car il eût tenu en bride les instincts fétichistes du Chaos des peuples. » Voilà donc une fois encore la Méditerranée humiliée devant la Palestine.

La puissance actuelle de la religion méditerranéenne réside surtout dans l’Eglise romaine, et M. Chamberlain prête souvent l’oreille aux voix mystérieuses de son hérédité anglo-saxonne pour s’élever avec passion contre une si dangereuse ennemie : c’est alors le no popery, avec toute son énergie aveugle et sa brutale intolérance, qui se répercute dans les pages de son livre. Les fils des Romains, dit-il, les Européens du Sud, « sont aujourd’hui tombés à l’idolâtrie sans fard, et, par là, sont sortis du groupe des peuples de culture[2]. » Mais il est inutile d’insister sur cet aspect des Assises du XIXe siècle, qui n’apparaît ni nouveau, ni même actuel, n’étant que le prolongement outré, exaspéré davantage encore, des critiques de la Réforme.

Beaucoup plus intéressante nous semble la discussion qui nous est offerte de l’idée « catholique » et de l’Universalisme dans l’Eglise romaine. Ici, en effet, nous sommes au cœur des préoccupations impérialistes, car la Rome pontificale est bien une concurrence religieuse, mais aussi une concurrence politique

  1. p. 884.
  2. P. 751.