Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/818

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

agricoles, mais les servirait fort. En revanche, il est évident que nos droits protecteurs sur beaucoup d’objets manufacturés ferment un marché à maintes industries britanniques, notamment à celles du fer, de l’acier, du coton ; mais, quelque jugement qu’on porte sur ces droits, on doit reconnaître qu’ils ne sont pas plus élevés que dans la généralité des autres pays du monde ; et les Anglais ont moins à se plaindre de notre métallurgie, par exemple, qui se borne à les exclure en partie de notre marché, que de la métallurgie allemande, qui envahit le leur. Il y a peu de chose ainsi, dans le commerce franco-britannique, qui soit de nature à soulever l’animosité des producteurs d’un pays contre ceux de l’autre.

On a vu, en second lieu, quel contre-coup avait eu sur nos ventes à l’Angleterre la guerre sud-africaine : nos exportations de vins, de soieries, de divers autres articles de luxe s’en sont trouvées fort réduites. La diminution de ces affaires dépasse 100 millions. Ainsi tout ce qui atteint la richesse de la Grande-Bretagne atteint aussi, par cela même, nos industries exportatrices, et d’autant plus gravement que nous n’exportons guère d’objets de première nécessité, mais surtout des produits de luxe, dont le débouché est le premier à diminuer en temps de crise ou de malaise. En nous plaçant au strict point de vue des affaires, nous sommes donc fort intéressés à la prospérité de l’Angleterre, plus qu’à celle d’aucun autre pays du monde, parce qu’elle est notre meilleur client ; et nous serions fort malavisés de lui souhaiter malheur.

Nous devrions même désirer, non seulement que les Anglais soient riches, mais qu’ils soient animés de sentimens amicaux à notre égard. « Le sentiment, disait dernièrement un des principaux journaux financiers de Londres[1], joue un grand rôle, aussi bien en affaires qu’en politique. » Il le disait à propos de placemens ; mais ce n’est pas moins vrai à propos de commerce, surtout de commerce de luxe. Ne compte-t-on pas déjà sur « la préférence naturelle pour les produits des colonies britanniques » pour favoriser la vente en Angleterre des vins australiens ? N’est-il pas certain que le sentiment peut exercer une influence sur la mode ?

Or, certains de nos articles d’exportation, en particulier ceux

  1. The Statist du 26 septembre 1903,