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rendre justice à nos qualités. Le Daily Mail, journal impérialiste et chauvin, peu suspect de tendresse exagérée pour la France, écrivait, il y a quelque temps : « Dans ses succès industriels la France doit beaucoup à ses ouvriers, à leurs conceptions artistiques et à l’exécution consciencieuse de leur travail. L’ouvrier français trouve une satisfaction personnelle à exécuter avec soin une pièce de travail bien dessinée. C’est dans cette disposition de la main-d’œuvre que gît le secret de la perfection du mobilier français, du bric-à-brac, des tapisseries, et des plus hautes branches de l’art... » De même, le Daily Express, remarquant que les Américains, — et surtout sans doute les Américaines, — de passage en Europe, font beaucoup moins d’emplettes à Londres qu’à Paris, rapportait la déclaration suivante du propriétaire d’un grand magasin : « Nous ne pouvons, disait ce dernier, nous procurer des employés ayant des idées, capables de nous préparer des expositions de devanture semblables à celles de Paris et de New-York. » Comparées à celles de la rue de la Paix ou de la rue Royale, les devantures de Regent Street ont évidemment l’air un peu « province. » Dans ces délicates industries, dans ces raffinés commerces de luxe, comme dans les rudes besognes de la ferme, il est juste de rendre aux femmes ce qui leur appartient et de ne pas oublier le rôle de « l’incomparable ouvrière parisienne qui crée la mode féminine et assure à notre industrie du vêtement une supériorité incontestée. »

Pour toutes ces raisons, les articles de luxe ou de fantaisie forment la partie de beaucoup la plus importante des 2 milliards 400 millions d’objets fabriqués que nous exportons. C’est encore l’Angleterre qui est ici notre meilleure cliente. Les objets manufacturés ou demi-manufactures que nous lui avons envoyés en 1902 représentent la somme énorme de 866 millions de francs. M. Périer les classe en deux catégories : les « produits de l’ingéniosité française » (130 millions de francs), venant surtout des nombreux petits ateliers de Paris et du Jura : articles de Paris, meubles, horlogerie, bijouterie, etc. ; puis les articles faisant l’objet d’industries et de commerces plus considérables et « dont la production est due aux aptitudes de bon goût ou de soin des industriels, des ouvrières et ouvriers français » : ce sont les tissus de laine, de soie et autres, les vêtemens, surtout de femmes, les produits de beaucoup d’industries spéciales ou de luxe, dont la valeur s’élève à 736 millions.