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55 millions de beurre au lieu de 8, la lointaine Australie même, qui, en 1900, expédiait 63 millions de francs de beurre, au lieu de 27 en 1896, et qui s’essaie à l’envoi des œufs ; mais il semble qu’il y ait aussi une autre cause au recul de nos exportations. Dépouillés du privilège de voisinage, nos producteurs auraient pu, cependant, conserver leur situation s’ils avaient amélioré leurs produits et leurs méthodes commerciales, de façon à vendre d’aussi bonne qualité et aussi bon marché que leurs concurrens. Il ne semble pas, malheureusement, qu’ils aient su le faire jusqu’ici.

« Le moment est venu pour l’agriculture, disait, il y a quelque temps, M. Méline, de se donner l’organisation commerciale qui lui manque. C’est sur ce point qu’elle doit se concentrer tout entière et sur ce terrain que doivent se donner rendez-vous tous ses amis. » Rien de plus urgent, en effet, que cette organisation commerciale et même, ajouterons-nous, industrielle. Que nos producteurs de beurre et d’œufs suivent l’exemple donné par les Danois et les Australiens, qu’ils s’unissent en sociétés coopératives : ils pourront alors fabriquer en quantités importantes, grâce au séparateur mécanique, qui remplace l’antique baratte, des beurres d’un type constant, les écouler plus facilement et à moins de frais. Les résultats qu’ont obtenus chez nous les syndicats agricoles montrent que nos cultivateurs ne sont pas réfractaires au principe de l’association. Quoique nos principaux exportateurs de beurre, les Normands, soient parmi les plus individualistes des Français, ce dont nous n’aurons garde de les blâmer, on doit espérer qu’ils se rendront compte des avantages qu’en s’associant ils obtiendraient sur tous les marchés, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur[1]. Une meilleure organisation commerciale ouvrirait peut-être aussi un débouché à nos fromages, chers, mais fins, et même, aujourd’hui que l’impôt sur le sucre est abaissé, à l’exportation du lait condensé, que les enfans et les adultes consomment si abondamment en Grande-Bretagne.

Il reste un article alimentaire pour lequel nous sommes grands fournisseurs de l’Angleterre, le sucre. Sur 6 600 000 tonnes de sucre brut qu’elle a achetées en 1902, nous lui en avons vendu

  1. II semble notamment qu’il y ait beaucoup à faire pour l’approvisionnement en lait de Paris, où ce liquide est souvent de mauvaise qualité et presque toujours hors de prix, alors qu’à quarante ou cinquante lieues de là, les fermiers normands ont peine à en tirer dix centimes le litre.