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attentif que l’ouvrier rural anglais, mercenaire détaché du sol. Aussi récoltons-nous plus tôt et plus abondamment des espèces plus variées de fruits et de légumes. Les primeurs arrivent aux Anglais de Vaucluse et de Provence par des trains à marche aussi rapide que les express de voyageurs ; les fraises, de Vaucluse aussi, puis de Bretagne ; les groseilles, les pêches, les poires, de Normandie et de l’Ile-de-France ; les prunes, des vallées de la Loire et de la Garonne ; les noix, de l’Isère, de la Corrèze, de la Dordogne, des Charentes ; les amandes, de Provence et du Languedoc ; les cerises primeurs, des Cévennes, d’où telle petite commune les expédie par wagons complets ; les pommes de terre, dont les envois ont passé de 6 millions en 1896 à près de 16 millions en 1902, et les oignons de Bretagne, de même que les marrons ; les tomates, de Gascogne et de Provence, les fleurs coupées, les parfums, les oignons à fleurs de Grasse et de la côte d’Azur ; les plantes de serre, d’Anjou et de Touraine. C’est 33 millions pour les fruits, 28 pour les légumes, 10 pour les fleurs et parfums, 1 400 000 francs pour l’huile d’olive, que nos arboriculteurs, maraîchers et horticulteurs encaissent ainsi de la part des Anglais, qui nous prennent, en tout, la moitié de nos exportations de fruits et de légumes[1].

A côté de ces articles alimentaires, auxquels il faudrait joindre encore des conserves de sardines (dont les caprices de cet animal vagabond avaient réduit les exportations à 6 700 000 francs en 1902), notre sol, plus boisé que celui de l’Angleterre, — malgré la dénudation de certaines de nos montagnes, — nous permet de vendre encore à nos voisins divers produits forestiers : 500 000 francs de liège, à peu près autant de résine, et, surtout, 19 millions de bois des Landes ou de Bretagne, destiné principalement à faire des poteaux de mine, ce qui représente environ 40 pour 100 des exportations françaises de bois ; bien que le Portugal, la Norvège, la Russie, l’Espagne commencent à nous

  1. Nous sommes cependant très en retard pour deux fruits qui viennent merveilleusement sur notre sol, puisqu’ils nous fournissent nos deux boissons nationales : les raisins et les pommes. Sur 17 millions de francs de raisins importés en Angleterre, 13 viennent d’Espagne, 1 du Portugal, 2 et demi des serres de Jersey 600 000 francs des serres de Belgique, 100 000 francs seulement de France. Il semble pourtant que nos provinces méridionales pourraient faire concurrence à la péninsule ibérique et nos régions du Nord à Jersey et à la Belgique. De même nous n’expédions que 1 800 000 francs de pommes, alors que les États-Unis en envoient 13 millions, le Canada 11, la Tasmanie, aux Antipodes, 2 millions et demi, la Belgique 2 millions.