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moins mauvais est détestable. Mais c’est précisément par ce qu’il promettait de détestable que M. le président du Conseil espérait reconquérir les faveurs hésitantes de sa vieille majorité, ce qui est pour lui, on le voit et il ne s’en cache guère, à la fois tout le fin et toute la fin du gouvernement. Un jour, à la tribune de la Chambre, dans un mouvement d’éloquence inspirée, et les yeux projetés au plafond, comme s’il y apercevait confusément la figure des grands ancêtres, il refit le serment atroce et sacré : « Périsse ma mémoire ! » Il est vrai que la majesté en sembla alors presque ridicule, à force de disproportion. M. Combes, pourtant, n’en a point démordu. Dégagé de toute illusion d’au-delà et de toute ambition qui le dépasse, il consent volontiers à ce que sa mémoire périsse, pourvu que son ministère vive. Or, comme on connaît ses saints, on les honore ; comme il connaît ses gens, il les flatte ; et l’événement lui a donné raison : son ministère vit ; un minimum de ministère, un souffle, un rien, l’ombre d’une ombre, qui n’est à aucun degré et ne serait dans aucun pays un gouvernement, mais qui, bien que diminué et humilié, est encore une espèce de position sociale, et qui dure.

Ce n’est pas que, dans les séances des 17, 19 et 20 novembre, ainsi que dans les précédentes, un grand effort n’ait été tenté au Sénat pour sauver la liberté menacée. On se rappelle que le vénérable M. Henri Wallon avait déposé un contre-projet ou un amendement proclamant : « L’enseignement est libre ; » et qui n’était autre, en substance, qu’un article de la Constitution de 1848 ; sur quoi le rapporteur, M. Thézard, avait fait observer que c’était peut-être là un texte constitutionnel où M. Wallon s’attachait et s’attardait, mais, comme tous les textes constitutionnels, une affirmation de principes, « une formule générale qui n’a pas de sanction par elle-même ; » et à quoi M. le ministre de l’Instruction publique avait ajouté : « La liberté de l’enseignement ? Mais c’est elle que je veux : elle n’a pas de plus ferme partisan que moi, et le ministère avec moi. » Rassuré, ou forcé de le paraître, M. Henri Wallon avait alors retiré son amendement, que M. Louis Legrand, sénateur de Seine-et-Oise, reprenait quelques jours après, et défendait avec beaucoup de courage et de bon sens, pour venir se heurter finalement aux mêmes argumens opposés par le rapporteur et le ministre et n’avoir pas un meilleur succès que M. Wallon. Seulement, cette fois, M. Chaumié spécifiait, et limitait, il faut le dire, son libéralisme en le définissant : « Je suis partisan de la liberté de l’enseignement, » mais d’une liberté de l’enseignement comme nous l’entendons : c’est-à-dire non pas une liberté d’enseignement