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Auprès de ta fontaine où, sous l’ombre solide,
Est si froide son eau
Que frissonnent mes mains en y cueillant humide
La tige du roseau ;

Car avant de chanter ta gloire couronnée,
Eté, ô saison d’or !
Sur la flûte feuillue en ta fontaine née
Je voudrais tout d’abord,

Par ses trous inégaux où, tour à tour, s’arrête
L’art juste de mes doigts,
Te dire la louange amoureuse et secrète,
Eté, que je te dois !

N’est-ce pas toi qui fais aux femmes ces yeux tendres,
Ce regard incertain.
Et ce pas indécis qui tarde pour attendre
Le bruit d’un pas lointain ?

Et toi qui, vers la source où elles sont venues,
Pour boire entre les joncs,
Leur donne doucement le désir d’être nues
Comme les Nymphes sont ?

Et c’est aussi par toi que j’ai vu sous les saules
Celle qui, se baignant.
Laissait le lin glisser de ses blanches épaules
Le long de son corps blanc...

Et maintenant, mes yeux, ma bouche et tout mon être
Ivres d’un sang nouveau
D’où ma force en mon corps avec lui va renaître,
Je jette le roseau ;

Et me voici debout et la face riante
Tournée à ton soleil.
Et prêt à célébrer d’une voix éclatante
Ton triomphe vermeil.